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NE VOUS OFFENSEZ PLUS !

Par empontie - Publié en septembre 2013
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C’EST PAS MAL, parfois, de voir que le monde avance, petit à petit. Certains mots ou concepts, hier concoctés pour des rois qui aimaient fustiger et condamner leurs sujets, sont peu à peu retirés des textes des temps modernes. Saviez-vous, par exemple, que le « délit d’offense au chef de l’État » existait dans la loi française sur la liberté de la presse depuis 1881? Utilisé à six reprises sous le général de Gaulle et une fois par Georges Pompidou, il était tombé en désuétude sous Valéry Giscard d’Estaing et François Mitterrand. Seul Nicolas Sarkozy l’a ressorti d’un chapeau le jour où un quidam a brandi sur son passage une pancarte où figurait la célèbre phrase : « Casse-toi, pov’ con ! » Depuis quelques jours, l’Assemblée des « Frenchs » s’est débarrassée de ladite loi, pour mieux cadrer avec l’esprit européen et les directives de la Cour européenne des droits de l’homme.

J’entends déjà des petits facétieux se frotter les mains, prêts à bombarder leurs présidents de tous les noms d’oiseau. Stop! Si c’est un bon bol d’air pour la liberté d’expression, une bien vilaine grosse insulte à quiconque, chef de l’État compris mais dorénavant comme à tout un chacun, reste passible de 45000 euros d’amende dans l’Hexagone. Mais bon, on n’offense plus un chef d’État, on offense seulement une personne. Idem pour les bouquins édités en France qui écorneraient le président d’un pays où les auteurs sont encore embastillés dès qu’ils écrivent un mot déplaisant... D’un pays... africain, par exemple? Faut-il rappeler que, sur le continent, les délits de presse sont pour la plupart des cas assortis de peines de prison. Sans autre forme de procès. Jusqu’à quand, franchement? Comme si le stylo ou la parole étaient des armes si dangereuses... Il serait grand temps que les États africains aient aussi le courage de dépénaliser tout ça et de n’infliger que des dommages et intérêts aux écarts de langage ou d’écriture.

Certes, on sait que ça ne va quand même pas être simple côté mentalité continentale... Car, même si la pancarte du badaud n’a fait que piquer l’ego de M. Sarkozy et bien marrer quelques supporters de gauche, je n’ose pas imaginer les conséquences d’un tel acte en Afrique... Un jour, il faudra bien que ça change. Il faudra bien rompre avec ces susceptibilités liées à la lourdeur des protocoles empesés, d’un autre âge. Car, enfin, le concept suranné d’offense n’est finalement pas bien grave dans un monde plus démocrate, où la liberté d’expression ira forcément crescendo... Je vous l’assure!

Par Emmanuelle PONTIÉ