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NELSON, UNE VIE POUR NOUS

Par zlimam - Publié en décembre 2013
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MAINTENANT, L’ÉMOTION EMPORTE TOUT. Il suffit de revoir les images, de revoir ce sourire lumineux, de se rappeler les trop rares et trop brèves rencontres avec un être à part, de se rappeler sa force tranquille, l’empathie pour le monde qu’il dégageait. Il nous manque, comme nous manquerait un père, un grand frère, quelqu’un qui est avec nous, dans notre cœur et dans notre âme. On ne veut pas être triste. Sa vie a été une phénoménale aventure. Il aura presque été centenaire, il aura changé son pays et changé le monde. Il nous aura encouragés, bouleversés, transformés. Cet Africain universel a apporté à chacun d’entre nous et à l’humanité entière un formidable message de courage, de résilience, de non-violence, et de « non-vengeance ». De sa prison, du fond du bagne, il nous a appris le sens du mot « struggle », le sens du mot « combat ». De là où nous étions, chacun, on a vu les enfants d’Afrique du Sud descendre dans la rue, affronter les tanks, les chiens et les fusils à pompe de l’apartheid. Chacun se souvient du jour où il est sorti à la lumière, sorti de sa cellule, comme inchangé, toujours tendu vers son objectif, celui de détruire le système de ségrégation raciale, et de construire une société nouvelle, multiraciale, celle de la Rainbow Nation (la nation Arc-enCiel). Mandela laisse un héritage immense mais aussi une profonde empreinte spirituelle. Et les hommes politiques qui laissent des empreintes spirituelles indélébiles sont rares, très rares. On pense au mahatma Gandhi, on pense à Martin Luther King, et on pense à lui.

Au-delà des symboles, des images, de l’émotion, Nelson Mandela aura été aussi un remarquable homme d’État. Il aura fait peu d’erreurs de positionnement, adoptant le plus souvent la bonne stratégie. Analysant au mieux les rapports de force. Instaurant l’ordre, la discipline et la loyauté dans son camp. Demeurant intransigeant face à un État policier, manœuvrant avec habileté du fond de sa prison. Capable de mener les négociations avec le pouvoir blanc et de l’éliminer quasi entièrement et sans bain de sang. Capable d’éviter tout conflit entre communautés noires. Mandela refusera de devenir le chef providentiel et se retirera du pouvoir à l’issue d’un seul et unique mandat, créant ainsi un précédent démocratique incontournable pour son pays.

Évidemment, quand le temps sera venu du regard historique, on pourra « interpeller » son bilan et se demander si la réconciliation ne s’est pas faite au détriment d’un changement plus rapide, plus révolutionnaire en faveur de la majorité noire. Mais les réalités parlent aussi d’elles-mêmes. L’Afrique du Sud est restée un pays uni. Elle ne s’est pas détruite, elle tente de se recréer. Malgré les crises, c’est une démocratie. Malgré la violence, les inégalités, le passif, les Sud-Africains sont égaux en droits.

Voici l’œuvre de Nelson Rolihlahla Mandela, né à Mvezo, un 18 juillet 1918, mort à Johannesburg, le 5 décembre 2013. Voilà son legs et son héritage. Et c’est à ses successeurs, à la jeunesse des « born free » (ceux nés après l’apartheid), aux élites nouvelles, aux enfants du struggle de ne pas trahir le rêve, d’assumer les responsabilités, d’être à la hauteur de ce qu’aura été la vie de Madiba.

Par Zyad LIMAM