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Ousmane Goïta.VORTEXGROUPS
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Parcours

Ousmane Goïta

Par Astrid Krivian
Publié le 20 février 2024 à 04h46
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Avec sa série Faire, présentée au festival Planches Contact de Deauville, le photographe malien valorise la force de travail. À la rencontre d’immigrés en Normandie, il fait le portrait saisissant de leurs mains à l’ouvrage.

Faire, Tremplin Jeunes Talents Planches Contact, Deauville (France).OUSMANE GOÏTA/TREMPLIN JEUNES TALENTS/PLANCHES CONTACT 2023
Faire, Tremplin Jeunes Talents Planches Contact, Deauville (France).OUSMANE GOÏTA/TREMPLIN JEUNES TALENTS/PLANCHES CONTACT 2023

« ​​​​​​​La place de l’homme est là où il trouve du travail à faire. » Ce dicton malien est venu à l’esprit du photographe, alors qu’il arpentait la coquette station balnéaire de Deauville, en Normandie. Car derrière ses rues proprettes, ses villas élégantes, ses boutiques chics, ses palaces, sa plage longée par la célèbre promenade des Planches immortalisée par le cinéma, c’est une armée de travailleurs qui s’activent. Sa série Faire, réalisée dans le cadre du festival photographique Planches Contact, met en lumière ces gens de l’ombre, souvent venus d’ailleurs, à travers le cliché de leurs mains saisies dans l’action de leur métier. Mécanicien, poissonnier, marin, coiffeuse, agent de nettoyage… Ces images racontent avec force et éloquence une vie de labeur, des mains musclées par le geste quotidien, parfois burinées, parcheminées, creusées par les sillons du temps et de l’effort. «La main est une question d’identité: celle d’un maçon diffère de celle d’un employé de bureau», observe l’artiste, qui a aussi réalisé quelques portraits. «Certains sont passionnés par leur profession. C’est aussi ma manière de valoriser l’immigration, sans laquelle un pays ne peut se développer. Pour subvenir à ses besoins, il faut aller chercher son gagne-pain, même au-delà des frontières.»

Né en 1993 à Bamako, il s’initie à la photo dès l’adolescence grâce à son père, reporter photo occasionnel pour des mariages et baptêmes. Ses études au Conservatoire des Arts et Métiers multimédia de Balla Fasséké Kouyaté lui ouvrent une plus grande perspective sur le 8e art, avec la découverte d’artistes comme Sarah Moon, Irving Penn, Helmut Newton, Omar Victor Diop, ou son professeur JeanMichel Fickinger. La manière dont il compose ses images et sa palette de techniques s’enrichissent. Membre de la Fédération africaine sur l’art photographique (FAAP), il expose ses œuvres au Sénégal en 2019, avec la coopération espagnole de Dakar, puis en Espagne, à Bilbao et Navarre, en 2020 et 2021. Dans le studio collectif qu’il a créé à Bamako, l’artiste effectue des travaux de commande pour la mode, des ONG, des sociétés maliennes ou étrangères, des particuliers. Il forme également de jeunes photographes: «Je veux leur donner la chance d’apprendre. La photo peut nourrir son homme, mais il faut avoir une bonne formation.» Sur des tournages (télévision, publicité, cinéma), il est également photographe de plateau, directeur de la photographie ou cadreur.

Son œil s’inspire, se nourrit de son pays qu’il sillonne, l’appareil en bandoulière, de la capitale à Mopti, de Ségou à Sikasso, passionné par sa cohésion sociale, ses habitants, son architecture. Son objectif capture la transmission de l’art divinatoire ou les portraits de travailleuses des champs, en hommage à leurs histoires de vie faite de résilience, de sacrifice, mais aussi de fierté d’avoir besogné pour élever leurs enfants. Il s’intéresse aussi aux différents acteurs de la chaîne de recyclage des déchets, depuis la collecte jusqu’au dépôt, en passant par le tri, la revente. «Ces gens dépassent leurs difficultés pour gagner leur croûte. Le travail libère l’homme, qui refuse de dépendre des autres.»