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Palestine, année zéro

Par zlimam - Publié en février 2011
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Le Premier ministre Netanyahou veut, lui, négocier « sans conditions préalables ». Sans conditions préalables, ça fixe le cadre des négociations. Les Palestiniens doivent reconnaître la nature juive de l’État d’Israël (et donc accepter de facto un statut de citoyen de seconde classe pour les Arabes israéliens…). Cela veut dire accepter que les frontières de 1967 ne soient plus d’actualité. Cela veut dire accepter que Jérusalem ne soit jamais, en partie, la capitale de leur futur État. Et que, de toute façon, les Palestiniens ne puissent pas contrôler leur frontière orientale. Ni d’ailleurs leurs ports ou aéroports. On oubliait le plus important : les réfugiés restent des réfugiés. Ou alors ils n’ont qu’à s’installer en Amérique ou dans le futur micro-État palestinien démilitarisé. Les Israéliens ne donnent rien. Même pas un geste symbolique d’apaisement sur Jérusalem, comme la réouverture attendue depuis des années de la Maison d’Orient. L’armée occupe le terrain. Les Palestiniens résistent comme ils peuvent dans un monde de barbelés, de check-points. D’autres vivent sous blocus à Gaza.

La société israélienne vit à des années-lumière des Palestiniens, protégée par ses soldats, par les murs et les barbelés, par la sensation de toute-puissance et les mirages de la prospérité. On se demande bien ce qu’il reste négocier. « Rien », nous dirait notre ami Ziyad Clot, négociateur avec l’Autorité palestinienne pendant le processus d’Annapolis, et qui vient d’en tirer un livre édifiant. Tout cela, c’est un « spectacle ».

Palestine, année zéro. Les Israéliens sont les maîtres du jeu. Ils sont soutenus par la puissante Amérique. Ils ont les cartes en main. Ils font ce qu’ils veulent. Ou presque… Parce que, au fond, on ne voit pas où les mène, à long terme, cette « victoire ». La classe politique et la démocratie israélienne sont prises en otage par les colons, les religieux et la droite extrême. Les changements du monde, l’apparition de nouvelles puissances, plus proches de la cause palestinienne, l’évolution de la Turquie, la menace iranienne, tout accentue l’isolement de l’État hébreu. La colonisation, l’occupation, l’imbrication des peuples, les exigences sécuritaires rendent chaque jour un peu plus invraisemblable l’option « deux peuples, deux (vrais) États ». Le statu quo indéterminé mène tout droit à l’apartheid de fait, rapidement ingérable pour cause de parité démographique. Idem avec la création d’un micro-État palestinien, sans réelle souveraineté (un peu mieux qu’un bantoustan). Israël fera la police, et l’iniquité de l’accord nourrira une nouvelle génération de nationalistes palestiniens.

L’idée d’un État unique, binational, est particulièrement séduisante, elle a quelque chose de hautement humain, mais elle n’a aucune chance d’aboutir. 99 % des Israéliens y sont opposés, et il faudrait des années et des années de cohabitation, de paix, de connaissance de l’autre pour que cela fonctionne. Au risque de se répéter, la seule solution pour Israël, la solution faisable, pragmatique, celle qui garantit son existence, sa démocratie, son installation dans le monde et dans la région, c’est une paix juste, équitable, qui aboutit à la création d’un État palestinien viable. Et après, l’histoire pourra s’écrire, l’histoire du dialogue entre Juifs et Arabes, entre juifs et musulmans. L’histoire de la renaissance de la maison d’Abraham…

Par Zyad LIMAM