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PASSER LE RELAIS

Par Nelson.MANDELA - Publié en avril 2013
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Il est à l’automne de sa vie. Et il est un peu notre père à tous. Nous avons voulu lui donner la parole, pour entendre son message, encore et encore. En 1997, à la fin de la 50e conférence quinquennale du Congrès national africain (ANC), Nelson Mandela cède la présidence du parti à Thabo Mbeki. C’est prévu : il s’en ira, deux ans plus tard, en 1999, à la fin de son premier et unique mandat. À ses camarades de la lutte contre l’apartheid, il demande de ne jamais dévier de l’objectif : rester « maître de son propre destin collectif ». Extraits.

« LE TEMPS EST VENU DE PASSER LE RELAIS. Le temps est venu d’affirmer et de célébrer les décisions que vous avez prises pour mettre en place une équipe dirigeante nationale qui va porter l’ANC dans le nouveau millénaire. [...] Le temps est venu pour moi de partir. Le temps est venu de passer le relais dans cette course qui a commencé il y a plus de quatre-vingt-cinq ans; non, il y a plus longtemps encore, il y a des siècles. [...]

Lorsque nous avons nous-mêmes reçu le relais de Dube, Sol Plaatje, Ghandi, Abdullah Abdurahman, Charlotte Maxeke, Gumede, Mahabane et autres [inspirateurs et fondateurs de l’ANC, NDLR], nous n’en avions peut-être pas totalement saisi le sens, préoccupés que nous étions par les détails du moment. Pourtant, l’histoire et le destin, à leurs façons mystérieuses, allaient nous dicter de marcher, encore et encore, avant d’atteindre les sommets qui correspondent aux souhaits du peuple.

Ainsi le temps est venu de laisser la place à une nouvelle génération, sachant qu’en dépit de nos nombreuses erreurs nous avons cherché à servir la cause de la liberté; s’il nous est arrivé de trébucher, nos blessures ont été des enseignements qui nous ont permis d’apporter notre humble contribution à la naissance de notre nation. Pour que notre peuple, ayant connu la défaite et l’humiliation, puisse commencer à se reconstruire et à maîtriser son propre destin. [...]

Plus souvent qu’on ne le pense, une époque crée et nourrit les individus qui sont associés à ses méandres. Et voici comment un nom devient le symbole d’une ère. Au moment de passer le relais, je remercie l’ANC d’avoir fait de moi le symbole de sa cause. Je sais que l’amour et le respect qui m’ont été portés sont l’amour et le respect pour l’ANC et ses idéaux. Je sais que la reconnaissance mondiale du miracle sud-africain et de la dignité de son peuple est celle que l’on porte, d’abord et avant tout, au travail de l’ANC. [...] Notre génération a traversé un siècle caractérisé par le conflit, le bain de sang, la haine et l’intolérance; un siècle qui a essayé mais qui n’a pas entièrement réussi à résoudre les problèmes de disparités entre riches et pauvres, entre pays développés et en développement. J’espère que les efforts de l’ANC ont contribué et contribueront encore à cette quête d’un ordre mondial juste. » .

Par Nelson MANDELA 94 ans, chef historique de l’ANC, ancien président de la République d’Afrique du Sud de 1994 à 1999, Prix Nobel de la paix en 1993. Symbole de la lutte anti-apartheid, emprisonné pendant vingt-sept ans.