Patientez !

Observez les salles d’attente d’un ministre le matin. Vous êtes saluée par des personnes gentilles qui vous souhaitent bonne arrivée, installées sur les fauteuils. Vous êtes reçue, puis vous partez. Revenez en fin d’après-midi, et les mêmes personnes sont toujours là, souriant, assises à la même place. Devant votre étonnement, on vous dit : « Nous patientons toujours, mais ça va aller »… Vous êtes reçue à nouveau et, en partant, vous entendez un aide de camp dire à ceux qui sont là depuis une journée entière : « Le ministre s’en va. Revenez demain. » Ces personnes partent, en silence, sans moufter. Et elles reviendront…

Observez l’attitude des gens, arrivés à l’heure demandée sur leur carton d’invitation, à n’importe quelle cérémonie. Ils sont capables d’attendre des heures avant que le maire, le ministre, le chef d’État arrive. Calmement, sans bouger.

Les Occidentaux, eux, se lèvent, s’interrogent, font les cent pas, fument une cigarette, regardent leur montre, souffrent. Un Africain, non. « On est habitués. Ça va aller ! » Enfin, même culture, examinez ce don inouï de supporter les files d’attente, y compris quand, au bout d’une heure de poireautage, le magasin ou le service public ferme ses portes. Chacun s’en va, sans impatience. « On reviendra demain… »

Et là, j’entends déjà ceux qui pensent qu’une telle attitude est synonyme de faiblesse. Eh bien, ils se trompent. C’est une énorme force. Car tous ces gens, quelle que soit la situation, quels que soient leur niveau social et la motivation de leur résignation, vont obtenir ce qu’ils veulent. Les petites gens, à force de revenir toute une semaine dans la salle d’attente du ministre, finiront par attirer la pitié de la secrétaire, seront reçus, et repartiront avec le soutien financier ou la résolution d’un dossier qu’ils étaient venus chercher. Les invités à la cérémonie seront vus, auront serré une main, auront avancé dans leur promotion sociale. Et les derniers auront obtenu leur document ou autre, sachant très bien que s’ils ne supportent pas de s’aligner et d’attendre, ils n’auront jamais gain de cause.

Seuls les impatients et les énervés n’arriveront à rien. Les Africains le savent, ils connaissent leur système par coeur et le maîtrisent parfaitement. Chapeau bas à tant d’abnégation. Et gare aux étrangers qui ne l’ont pas compris, car ils auront beau pester et s’agiter, ils se retrouveront le bec dans l’eau. Patientez, c’est  la clé de la réussite.