Aller au contenu principal

PENSER EN DEHORS DE LA BOÎTE !

Par zlimam - Publié en juin 2013
Share

MARRAKECH SOUS LE SOLEIL DE LA FIN MAI. Les assemblées annuelles de la BAD se tiennent dans la ville ocre. Nous sommes tous très busy, occupés. (Dans ce cénacle, l’anglais règne en maître, le français dépérit petit à petit, et on entend à peine l’arabe...).Des centaines de délégués vont de séminaire en séminaire et de cocktails en soirées sous les étoiles. Le « B to B », le business to business, fonctionne à plein régime, avec des rencontres multiples entre banquiers, investisseurs, ministres, journalistes, entrepreneurs et aventuriers de tout bord. Quelques chefs d’État ont fait le déplacement, rivalisant de promesses d’actions louables. Installés dans les plus beaux hôtels de Marrakech, ils peuvent certainement joindre l’utile à l’agréable. Le fameux « déménagement » de la banque est sur toutes les lèvres. Certains veulent accélérer le retour à Abidjan, presque à marche forcée. D’autres sont moins pressés. Au « Plateau », les travaux ont pris du retard et la stabilité de la Côte d’Ivoire n’est pas une évidence pour tous les actionnaires. D’un autre côté, Tunis, en ce moment... L’année prochaine, la banque fêtera son cinquantenaire. Un enjeu, tout de même. Le patron de l’institution, le Rwandais Donald Kaberuka, en poste depuis 2005, se dépense donc sur tous les fronts, et parfois on lit sur son visage des signes de fatigue et d’impatience. Les assemblées annuelles sont devenues une bien grosse machine, et souvent la forme prend le pas sur le fond. On se sent comme dans une Afrique aux traits un peu forcés, une sorte de bulle créative et caricaturale, loin de la réalité de plusieurs centaines de millions d’Africains.

On écoute quand même attentivement, pour tenter de faire la part des choses. L’Afrique va mieux. Son produit intérieur brut a doublé en douze ans, ce qui est une performance quasi unique dans l’histoire de l’humanité. Elle crée de la richesse, mais juste ce qu’il faut pour absorber une démographie galopante. Le continent compte près d’un milliard d’habitants (nous étions à peine 230 millions en 1950). Et ce chiffre devrait doubler d’ici à 2050. Deux milliards d’Africains... Deux milliards et une population de plus en plus jeune, de plus en plus urbanisée, dans des villes de plus en plus grandes avec des demandes de plus en plus urgentes en termes d’emploi, de santé, d’éducation... Il faudra donc utiliser nos atouts au mieux. Tous les experts le disent. L’Afrique est et sera le continent des ressources naturelles. Et nous attisons évidemment la convoitise du monde entier. Il faudra éviter le pillage et le néocolonialisme. Et surtout réinventer des modèles de développement, pour absorber les chocs écologiques, démographiques, technologiques. S’insérer dans un ordre mondial lui-même en total bouleversement. L’Afrique va devoir inventer. Penser en dehors de la boîte, to think out of the box, comme disent les Anglo-Saxons. Parier sur l’intégration en particulier. Libérer les flux et les mouvements d’idées, de capitaux et de personnes. Sortir des frontières héritées de l’Histoire. Un « grand » le dit sans détour : « De toute façon, la moitié de nos États ne sont pas viables... » Et un autre ajoute, décomplexé : « Le problème, c’est le leadership. Regardez. Cinquante-quatre chefs d’État. Combien d’entre eux ont la force, la capacité et l’imagination de nous entraîner vers le futur? »

On quitte la ville presque désorienté en se disant que les défis sont encore immenses. Et qu’en attendant que les cercles vertueux se mettent en place, c’est à chacun d’entre nous de mener le combat. Et de penser en dehors de la boîte!

Par Zyad LIMAM