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Petits rackets entre amis…

Par empontie - Publié en février 2012
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Je ne sais pas vous, mais moi j’ai l’impression que le pouvoir d’achat baisse sérieusement dans les chaumières africaines. En tout cas, les pratiques de racket organisé ou de mendicité déguisée se propagent à la vitesse grand V. Au sein des familles, déjà, c’est dingue de voir à quel point certains de mes amis qui ont la chance d’avoir un pauvre salaire sont rançonnés, forcés sous peine de fâcherie définitive avec papa, maman, les frères et autres cousins éloignés, de cracher au bassinet à longueur d’année pour tel neveu qui doit aller à l’école, telle nièce qui doit se marier, etc.

Certes, il n’y a pas de Sécurité sociale, et tomber malade est une catastrophe financière. Bien sûr, il n’y a pas de retraite, et il faut entretenir les anciens. Évidemment, avec des taux de chômage galopants, il faut subvenir aux besoins des jeunes qui ne trouvent pas de boulot. Et bien entendu, vu que les salaires n’ont pas été réévalués depuis des lustres et que certains pays offrent encore un smic plafonné à 28 000 F CFA (42 euros), il y a un méga-souci. Là encore, les pouvoirs publics devraient s’en inquiéter, oeuvrer sans relâche à valoriser le pouvoir d’achat des populations. Ça devrait être la priorité des priorités. Parce que le monde, lui, tourne à un rythme implacable, les prix des denrées, des loyers, du carburant augmentent non-stop, et les subventions locales, qui pèsent dangereusement sur les budgets nationaux, ne pourront pas éternellement pallier la question.

Cependant, le recours qui consiste à demander de l’argent à tout le monde et en toute occasion ne résoudra pas le problème non plus. Passe encore pour le vrai démuni. Mais, aujourd’hui, on rencontre de plus en plus de petits salariés modestes qui vous poursuivent avec une ordonnance, vous attendent en bas de l’hôtel pour vous raconter une histoire à dormir debout destinée à vous faire ouvrir votre portefeuille, de fonctionnaires vexés et agressifs si on ne leur donne pas le pourboire qu’ils pensent être en droit d’attendre. Pis, vous invitez des gens à dîner, qui vous disent en fin de repas : « Tiens, tu n’aurais pas 20 000 F CFA (30 euros). Ça me gêne de te demander ça, mais j’en ai besoin. » Euuuuh, d’accord… Mais bon, on aimerait autant que la personne vous demande éventuellement de l’aider en essayant de lui trouver une formation ou un travail, non ? Ben ça, c’est de plus en plus rare. Aujourd’hui, on réclame de l’argent et rien d’autre, sans aucune vergogne. À sa soeur, au vague copain, au type de passage.

un dû. Et, si vous regardez bien, ce n’est pas toujours celle ou celui qui en a le plus besoin qui vous rançonne. Les autres, en général, s’activent à trouver une deuxième ou une troisième activité pour boucler les fins de mois, calculent, économisent, cherchent des solutions, se bougent. C’est une question d’honneur. Une valeur, pourtant cardinale dans l’ensemble des cultures et traditions africaines, qui semble avoir tendance à se perdre au fil des ans. La récession et les ratés des politiques sociales africaines ont bon dos. Il ne faudrait pas qu’elles engendrent une nouvelle race de racketteurs en col blanc, persuadés d’être dans leur droit…

Par Emmanuelle Pontié