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Peuples, accrochez-vous!

Par empontie - Publié en avril 2012
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C’est une réflexion moins drôle que d’habitude. Ainsi va l’actualité. Le Mali, modèle de démocratie. Un chef d’État, ATT, ancien puts- chiste, qui avait remis le pouvoir aux civils il y a vingt ans, puis brigué et remporté la magistrature suprême, deux fois de suite, s’apprêtait à partir. Non candidat (constitutionnellement) à sa propre succession le 26 avril dernier. Contre toute attente, une mutinerie de caserne tourne mal, et une poignée de militaires prend le pouvoir, armes au poing. Sans agenda, sans programme, mis à part les pillages et autres intimidations de rue. Raison invoquée : le président était trop mou, avait laissé les rebelles touaregs faire la loi dans le Nord, et le pays allait à vau-l’eau. Peut-être, mais... Pourquoi ne pas attendre le verdict des urnes? Pourquoi ébranler en quelques heures des années de stabilité, terreau central du développement ? Pourquoi plonger la nation dans une situation inextricable? Rebelles en haut, mutins en bas, scrutin annulé, pas de « chef », pas de plan. C’est la porte ouverte au chaos. Gratos.

Dans un Mali déjà bien pauvre, qui n’avait certainement pas besoin de ça en prime. Des pistes de solutions se des- sineront peut-être dans les jours qui viennent. Mais c’est quand même l’une des trop rares démocraties subsahariennes qui vient d’être mise à mal, et c’est grave. De l’autre côté d’une des sept frontières maliennes, le Sénégal. Démocratie toujours.

Emmenée depuis douze ans par les ambitions d’un vieux chef, Abdoulaye Wade. Troisième président d’une nation élevée à la mode de Senghor, où l’alternance est reine et où l’on ne tripatouille pas la Constitution. Pourtant, et c’est grave aussi, la tentation de s’accrocher au pouvoir lui est venue, de s’ouvrir un troisième mandat en bricolant les textes. Il y a cru jusqu’au dernier moment. La différence, heureusement, c’est que, quelques heures après le second tour, il a compris. Et salué la victoire de son rival en se retirant.

La démocratie sénégalaise et ses solides fondamentaux, la rue, le peuple, les urnes, la société civile, ont gagné in extremis. Et avec eux, l’espoir. L’espoir d’une Afrique de l’Ouest qui ne revient pas des années en arrière, bafouant les acquis et les avan- cées. Mais, entre les deux tours, on a eu chaud... Moralité : deux modèles ont vacillé. Chapeau bas au Sénégal qui a résisté. Espérons que les Maliens s’en sortiront rapidement. Car la construction d’une démocratie en Afrique est trop précieuse pour qu’on la laisse voler en éclats. Que ce soit par les dérives autocratiques d’un homme, ou par l’inconscience d’une poignée d’autres...

Par Emmanuelle PONTIÉ