Philippe Metch
«Réussir dans le chocolat»
Issu d’une famille qui vit de la transformation du cacao depuis plusieurs décennies, cet artisan redéfinit les critères de luxe dans cette industrie.
À 30 ans, intarissable sur le cacao et la chocolaterie, il est un esthète en la matière. Dans sa boutique-atelier PEMMS, située à Abidjan dans le quartier des Deux-Plateaux, il propose un chocolat 100% ivoirien sublimé par des produits locaux, tels que le bissap, le gingembre ou encore le petit cola. Travaillant à temps plein «dans le chocolat» depuis 2020, il préfère néanmoins dire qu’il est né dans le cacao. Metch. Un simple nom de famille, mais qui, pour Philippe, représente bien plus – a fortiori dans ce milieu innovateur en Côte d’Ivoire: «Metch, c’est une marque, une valeur, une ambition», annonce-t-il, le regard et la voix pleine de conviction. La famille Metch baigne dans cette industrie depuis les années 1990. Lorsque Philippe vient au monde, son père, Frédéric, travaille déjà dans le groupe SIFCA. Quelques années plus tard, ce dernier s’installe à son compte et crée la société CONDICAF (Conditionnement de café et cacao), qui deviendra en 2006 la première entreprise de transformation de cacao à capitaux 100% ivoiriens. Inspiré par la vision entrepreneuriale de son père, Philippe se passionne pour cette activité. L’enfant de Bonn, village situé dans la région de Dabou, dont sa famille est originaire, garde de très bons souvenirs de ses années d’enfance: «Le cacao nous a beaucoup apporté, à ma famille et à moi. Évoluer dans ce secteur d’activité est l’une des voies idéales pour construire une vie stable, au sein de sa famille et de sa communauté.»
Et dire que son père le destinait à un avenir professionnel tout autre! «Mon père n’a jamais voulu que je travaille dans le cacao ou que je devienne entrepreneur. Il trouvait ce métier trop anxiogène.» Philippe poursuit des études en finance d’entreprise en France, puis s’y installe En 2017, suivant les conseils de son père, il revient en Côte d’Ivoire et rejoint le groupe familial. Mais très vite, animé par la fougue de la jeunesse entrepreneuriale africaine de cette dernière décennie, il monte PEMMS.
«Nous voulons créer un écosystème positif pour tous les acteurs de la chaîne de valeur. L’une des grandes problématiques dans ce milieu, c’est la rémunération du planteur. Chez PEMMS, nous payons au minimum deux fois le prix fixé par le régulateur [le Conseil café-cacao, ndlr] pour chaque campagne. C’est-à-dire que lorsque le prix annoncé est de 900 francs CFA le kilogramme, nous payons au minimum 1800 FCFA. Nous travaillons avec deux coopératives: l’une à Azaguié, et l’autre à Soubré.»
Il ajoute: «Je veux montrer qu’il est possible pour un Ivoirien d’investir et de réussir dans l’industrie du chocolat. Avec mes partenaires, nous souhaitons construire une usine de fabrication à Abidjan, et ensuite, aller à la conquête du continent (Nigeria, Égypte, Maroc ou encore Afrique du Sud).»
La Côte d’Ivoire continue d’obtenir des revenus substantiels grâce à cette industrie. Véritable culture de rente, elle représente 20% du PIB et 40% des recettes d’exportation. Pour autant, Philippe Metch encourage le gouvernement à accentuer ses efforts, pour favoriser une véritable transformation du cacao par des opérateurs nationaux. «Il faut un réel accompagnement politique. La Côte d’Ivoire a aujourd’hui la technicité et les ressources pour façonner des champions nationaux dans ce secteur hautement stratégique. Le président de la République a mis en place les ressources et le cadre nécessaires pour cela. Le Conseil Café-Cacao a un cahier des charges selon lequel il doit garantir et défendre les intérêts des producteurs, et promouvoir la transformation locale.»