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Quand l'échec succède à l'échec...

Par Emmanuelle Pontié - Publié en novembre 2022
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Entre août 2020 et septembre 2022, l’Afrique francophone a connu cinq coups d’État, dont deux en moins de huit mois au Burkina Faso. Retour à la junte militaire, aux scrutins sans cesse repoussés, aux sanctions économiques. On peut comprendre dans certains cas le ras-le-bol général face aux pouvoirs en place qui s’éternisent, faibles ou corrompus, qui n’arrivent pas à faire avancer leur pays, ni à relever le niveau de vie global, ni à lutter efficacement contre les offensives islamistes. On peut comprendre que les «nouveaux » soient un temps plébiscités par des hordes de jeunes, chauffés à blanc contre les impérialismes venus d’ailleurs, le néocolonialisme rendu coupable de tous les maux qui rongent leur société depuis des lustres. On entend de-ci de-là que l’Afrique doit aussi passer par ses révolutions, par des périodes de chaos pour reconstruire du neuf, du mieux.

Pourtant, si l’on y regarde de plus près, chaque coup d’État est d’abord une catastrophe pour les peuples. Au Mali, le colonel Goïta a réussi à convaincre une bonne partie de l’opinion que la faute revenait aux Français, à l’opération Barkhane et ses dérives. Peut-être. Mais surfer sur le conflit russo-ukrainien en ouvrant grand la porte aux mercenaires Wagner pour résoudre les problèmes du pays est évidemment un leurre. Vu du Nord, et des sans-voix qui souffrent au quotidien sous le joug des exactions islamistes, la situation s’aggrave. Évidemment. Et les sanctions économiques, imposées, levées, puis réimposées souvent, saignent à blanc le commerce, le panier de la ménagère. Bref, c’est le peuple qui trinque.

Au Burkina, déjà exsangue, avec l’une des économies les plus faibles du monde, sans cesse frappé par la même montée du terrorisme islamiste, un double coup d’État en une seule année est une terrible épreuve. Aides suspendues, coopération hypothéquée, etc. Idem en Guinée, déjà pas bien flambante, qui se retrouve avec un lieutenant-colonel Doumbouya en sursis à sa tête, sans soutien, sans vrai programme… Il prévoyait une élection présidentielle dans les six mois après son coup d’État, et se demande aujourd’hui s’il en organisera une en 2025… Et enfin le Tchad, où un fils décide unilatéralement de succéder à son père. Avec le népotisme culturellement chevillé au corps, oubliant qu’un processus démocratique, c’est peut-être mieux… Résultat, des émeutes réprimées dans le sang ont fait plus de 50 morts en septembre dernier. Dans un pays à genoux, dirigé depuis plus de vingt ans par la même famille, avec, là aussi, une transition dont le terme est sans cesse repoussé.

Résultat des courses, et de toutes ces courses au pouvoir de militaires autoproclamés « chefs de transition », ces pays reculent et leurs populations souffrent encore davantage. Bien au-delà des raisonnements d’intellectuels africains installés à l’étranger qui ne voient dans ces coups d’État que des révolutions salvatrices. Nous sommes en 2022, et les processus démocratiques, même (et souvent) imparfaits, doivent demeurer la règle pour avancer un jour vers des lendemains meilleurs.