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ce que j’ai appris

RACHID ARHAB

Par Belkacem Bahlouli - Publié en juin 2015
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JOURNALISTE FRANÇAIS, 59 ANS.« C’est l’Arabe qui cache la forêt » avait dit de lui l’humoriste Guy Bedos dans une saillie restée célèbre. Bien avant que l’on conceptualise la « diversité » à la télévision française, il a été le premier présentateur de JT « issu de l’immigration », tout en refusant d’être le symbole d’une communauté. Dans son premier ouvrage publié en mars dernier, Pourquoi on ne vous voit plus ? (Michel Lafon), il revient sur près de quarante ans de carrière.

La seule fois de ma vie où mon nom m’a servi de « passeport », c’est lorsque je suis allé en Tunisie alors que j’étais encore au CSA [Conseil supérieur de l’audiovisuel], en 2011, pour œuvrer à la création de la Haica [Haute Autorité indépendante de la communication audiovisuelle]. J’ai pro?  té d’une certaine popularité que j’avais là-bas car le journal de 13 heures que je présentais pendant les années 1990 sur France 2 y était diffusé. Si je me suis autant démené pour tout cela, et même si ce n’est pas mon pays natal, c’est parce que lorsque j’arrive à Tunis ou à Rabat, je me sens chez moi, comme à Alger, c’est quelque chose que jamais on ne m’enlèvera !

Je constate des dérives à la télévision aujourd’hui, le traitement de l’actualité en particulier. L’information en continu a radicalement changé la donne. Je ne suis pas persuadé que ce soit réellement du journalisme, surtout quand on regarde ce qui s’est passé à Paris en janvier dernier… Cela m’avait déjà frappé en 2001 avec les attentats de New York. Il y a une véritable dictature de l’émotion. D’ailleurs, je ne cesse de le répéter à mes confrères : « Faites attention, les politiques, désormais, sont tous détestés. Les prochains sur la liste sont les journalistes. » Je pense même que c’est déjà le cas. En politique, ce sont les extrêmes qui ont pris la place, et en journalisme, ça va être quoi ? La rumeur ?

J’ai failli quitter le métier suite aux attaques du FN [Front national] contre mes reportages sur la Nouvelle-Calédonie en 1986. Je me suis même demandé si un journaliste d’origine algérienne avait le droit de parler de ce genre de sujet ! J’ai revu ces images où Roger Holeindre, alors député FN, s’interrogeait à la tribune de l’Assemblée nationale sur le fait que je sois le seul journaliste de la télévision publique à couvrir ces événements. À l’époque, je l’avais mal pris, mais aujourd’hui, en le réécoutant, c’est encore plus douloureux.

Je ne sais pas si je suis politiquement correct ou pas. Je fais partie de ceux qui croient encore que la politique est un moyen d’action et que les médias ont un rôle à jouer. Ce qui m’inquiète, c’est la gémellité politique-médias, j’en ai l’image de deux types qui se noient ensemble et qui s’attirent mutuellement vers le bas. C’est aussi le sens de mon livre : j’ai écrit une ode au journalisme, une déclaration d’amour à la France et au journalisme !

La diversité a toujours été un sujet délicat pour moi. J’ai passé ma vie à slalomer et à éviter les écueils sur lesquels on voulait me voir me fracasser. Lorsque j’ai débuté dans le métier, on m’a demandé de changer de nom et de nationalité… Surtout de nom. En revanche, au CSA, j’ai eu à travailler sur la diversité à la télévision, ce que j’ai fait avec plaisir. Je n’ai jamais voulu être un porte-drapeau, toutefois, s’il y a eu un moment où j’ai pu trouver une utilité à m’appeler Rachid Arhab, ce fut bien lors de cette mission.

Le reportage que je rêve de faire ? Il y a eu une belle série sur France 2, Ils ont filmé la guerre en couleur , sur la première et la seconde guerre mondiale. Je voudrais en réaliser une sur la guerre d’Algérie, aller chercher les documents des gens, trouver des photos, des films super-8. Je travaille aussi actuellement sur un projet un peu fou, une sorte d’Arte franco-maghrébine. Quand on connaît l’histoire de la France et de l’Allemagne, qui se sont affrontés dans trois guerres en moins de cent ans, on a réussi à faire d’Arte une chaîne fantastique. Alors pourquoi ne pas le faire avec le Maghreb ?