Rania Berrada
Dans son premier Roman, la journaliste dresse le portrait poignant et juste d’une jeune femme marocaine en quête de liberté, affrontant les carcans du patriarcat et l’arbitraire de l’administration.
C’est l’histoire d’une femme qui attend : après un homme, après des décisions administratives, après un oncle qui pourrait la faire venir en Europe pour qu’elle suive des études… Issue d’un milieu modeste, Najat rêve de quitter sa ville d’Oujda, dans la région de l’Oriental, pour devenir chercheuse en biologie. «La tendance à partir y est plus forte que dans d’autres villes du pays. Pendant longtemps, Oujda a été le parent pauvre des politiques économiques de développement au Maroc. Pour les femmes, le moyen de se rendre en Europe était d’épouser un homme », indique Rania Berrada, qui a des attaches familiales dans cette commune. Inspiré d’une histoire vraie, Najat ou la survie retrace le chemin sans cesse semé d’embûches de son héroïne, qui encaisse les coups du sort, se désespère parfois, se relève toujours, tente de braver les carcans du patriarcat. Le récit évoque notamment la frustration des jeunes diplômés dans le Maroc contemporain, leur révolte face au manque criant d’opportunités professionnelles, exprimée lors du Mouvement du 20 février, en 2011. En France, Najat fera l’expérience de la ghorba (l’exil), coincée dans une situation ubuesque, dans l’attente de ses papiers : «Active et volontaire pour s’intégrer, elle subira la lenteur et la rigidité des procédures administratives. » Pour écrire ce premier roman, Rania Berrada a troqué sa casquette de journaliste pour celle d’écrivaine pendant un an : « La meilleure année de ma vie. » Née en 1993 à Rabat, où elle a grandi, elle a un véritable coup de foudre pour Paris lors d’un voyage familial, à 9 ans. «Cette ville m’appelait. Je n’avais alors qu’une hâte : partir m’y installer. » Sa première claque littéraire ? Voyage au bout de la nuit, de Céline, qu’elle dévore à 16 ans. « Un événement fondateur. Je sentais que l’auteur avait pris un vrai plaisir. Écrire pouvait être un exercice agréable. » Après sa scolarité au lycée français de la capitale marocaine, elle poursuit des études d’économie à la Sorbonne, à Paris. En parallèle, un atelier d’écriture hebdomadaire lui met le pied à l’étrier. Et par hasard, elle s’initie au journalisme, en animant une émission sur une radio étudiante. Elle se prend au jeu, passe les concours des écoles et intègre l’École des hautes études en sciences de l’information et de la communication (CELSA). Une fois diplômée, elle multiplie les expériences, les contrats de pigiste en presse écrite, radio, télévision, Web : «Comme beaucoup de journalistes débutants, j’étais un couteau suisse, couvrant tous les domaines. » En mal d’adrénaline, elle qui espérait partir en reportage au bout du monde bâtonne des dépêches, un peu désillusionnée. Puis rejoint le média en ligne Brut, pour lequel elle couvre l’actualité de sa terre natale : « Par ce métier, jamais routinier, on rencontre des personnes de milieux très différents. J’aime ce grand écart, ce côté caméléon : assister à un gala, puis enchaîner sur une manif. » Ses sujets témoignent de l’effervescence et de la richesse de la scène culturelle : « Musique, arts plastiques, cinéma, mode… Les Marocains sont novateurs et portent leur création à l’échelle internationale. C’est très stimulant de le vivre de l’intérieur ! »