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Saleté de guerres !

Par Cbeyala - Publié en février 2011
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Il me semble que ce qui rapproche le plus les hommes, c'est justement une certaine capacité à détruire, une habilité à distiller la mort et une hardiesse à justifier leur barbarie. D'aussi loin qu'il m'en souvienne, j'ai rarement rencontré un soldat disant qu'il avait fait une sale guerre, une guerre injustifiée, une guerre inutile ou absurde. Il m'est tout aussi rarement venu à l'oreille qu'un gouvernement ait regretté sincèrement d'avoir ordonné et ordonnancé un conflit. Quelquefois, leurs successeurs ont présenté des excuses aux peuples « génocidés », ce fut le cas de l'Allemagne à l'égard des Juifs, mais ceci après moult circonvolutions et tractations.

Ce qui est le plus couru, c'est que l'homme tente de justifier l'injustifiable. C'est ainsi qu'aujourd'hui, la liste de justificatifs s'allonge. On fait des guerres  pour défendre ses terres ou sa sécurité, nous dit-on ; on fait des guerres préventives, des guerres de préjugés, des guerres défensives, des guerres d'intimidation, des guerres électoralistes, des guerres pour faire des guerres, comme c'est le cas en République démocratique du Congo ou au Darfour, parce qu'il faut bien faire tourner les industries de l'armement sans lesquelles l'homme ne serait pas l'homme... Peut-être.

Je crois que je n'ai jamais cru vraiment en l'homme, mais en ce début d'année, je n'ai plus de mots pour exprimer l'horreur. Abjecte, cette guerre en Palestine dont personnellement je n'ai pas compris le sens ; une horreur, ces enfants tués en Afrique, au Moyen-Orient ou en Amérique latine. Déshonneur sur ces intellectuels qui tentent de justifier, d'un côté comme de l'autre, les raisons d'une guerre, car une guerre est toujours, à mes yeux, injustifiable. Laids, ces politiques qui vont çà et là, bavassant et se serrant les mains, parce que, disent-ils, ils viennent d'engager un processus de pacification de telle région ; exécrables, leurs photos devant l'objectif des photographes du monde entier ; honte sur la maison de leur père, car ils auraient pu éviter toutes ces horreurs sous mes yeux, s'ils l'avaient voulu ; dégoûtants, ces chars, ces tanks qui sillonnent les capitales et les villages des quatre coins du globe, laissant derrière eux tant et tant de morts. Abjects, ces belligérants qui parlent de participer à un gouvernement d'union en Palestine, parce que, disent-ils, la force ne mène à rien, rien qu'au chaos. Répulsifs, leurs mots qui sonnent creux. Leur a-t-il fallu tous ces morts, ces larmes, ces souffrances étalées pour qu'ils comprennent que du sang versé ne naît jamais la paix ? Indécents, ceux qui disent que leurs adversaires n'ont reçu « que » des roquettes. Personnellement, je n'aimerais pas qu'une roquette tombe à côté de chez moi. Effroyables aussi, les images de ces camions d'approvisionnement qui traversent la bande de Gaza, mais où étaient-ils quand il y avait encore de la vie ? Horribles, ces journalistes qui fixent leurs caméras sur les rues désolées de la Palestine en disant que la vie reprend ses droits, quelle infamie ! Après une telle calamité, il faut des décennies pour que se cicatrisent des blessures, pour qu'à nouveau advienne un semblant de vie. Comble de l'horreur, lorsque les mêmes manipulateurs d'images essayent de me faire oublier tout ce qui a été commis par les hommes en ce début d'année, en me montrant les images d'Obama qui prête serment. Il y a, là, toute cette foule en communion, admirant Saint-Obama, le Grand Sauveur de l'humanité, oublieuse qu'il est d'abord le président des Américains, des Etats-Unis, ce pays prédateur, riche de la captation des richesses d'autres peuples.

Décidément, je déteste le monde des hommes et leur saleté de guerres, allez le dire !

Chronique [ POING FINAL ! ] de Calixthe Beyala parue dans le numéro 281 (février 2009) d'Afrique magazine.