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Scénario Titanic ?

Par empontie - Publié en février 2011
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Il était une fois une petite semaine de cinéastes lancée à Ouagadougou en 1969, qui s’est transformée au fil des années en un immense festival d’images made in Africa, le Fespaco. Dans l’intervalle, l’industrie cinématographique se développait, à grands coups de financements, de soutiens, d’idées novatrices, de courants divers, du cinéma calebasse aux images de polars modernes. Des longs métrages aussi divers que Yeelen, de Souleymane Cissé, ou Bal poussière, de Henri Duparc, étaient projetés, à l’époque, sur les Champs-Élysées, à Paris, avec des gens qui faisaient la queue devant l’affiche. Ils tournaient aussi dans les salles du continent, pleines de spectateurs fiers de voir leurs films…
C’est l’histoire d’un réseau de distribution qui y croyait, d’une adéquation entre un public et ses images, d’un vent d’enthousiasme chez les producteurs et les bailleurs. Malheureusement, au fil des temps, force est de reconnaître que la belle histoire du cinéma africain semble s’être changée en un mauvais film… Témoin, sans le vouloir, le Fespaco 2009, qui fêtait ses 40 ans le mois dernier sur la « Croisette ouagalaise ». La vitrine biennale de tout ce que le continent produit de mieux était bien tristounette. Un cru terne, avec des œuvres en mal d’inspiration, bricolées avec des bouts de subventions de plus en plus rares et longues à se mettre en place ; un parterre de cinéastes aux regards moins pétillants, comptant sur une moisson de prix pour financer la traversée du désert qui se profile avant le prochain tournage… La plupart d’entre eux se lancent dans les petites productions vidéo ou les séries populaires, pour survivre, d’une part, et pour répondre à la nouvelle demande d’un public africain qui ne va plus au cinéma. En marge de l’exception ouagalaise, où l’État continue de soutenir un vrai réseau de distribution, toutes les salles, ailleurs, ont fermé. Et les rarissimes qui fonctionnent encore ne projettent pas d’œuvres africaines… Tout cela est très triste. Et il ne doit pas y avoir de remède miracle, capable de remettre le ciné black sur les rails, car sa lente agonie continue doucement… Au vu et au su de tous. Les pouvoirs publics, les bailleurs de fonds, les fédérations de réalisateurs, les exploitants de salles, les différents publics… Total, le 7ème art africain est de plus en plus marginalisé, chez lui comme ailleurs. Il semble tourner dans les festivals, sans jamais trouver la sortie… Et avec lui, c’est toute une industrie culturelle qui est tombée en panne. Jusqu’à quand ? On a la désagréable impression que le sujet n’intéresse pas grand monde…

Chronique [ C’EST COMMENT ? ] d’Emmanuelle Pontié parue dans le numéro 283 (avril 2009) d'Afrique magazine.