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Littérature

Sulaiman Addonia
Le champ des possibles

Par CATHERINE FAYE - Publié en mai 2022
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Sulaiman Addonia. IAIN MASTERTON/ALAMY
Sulaiman Addonia. IAIN MASTERTON/ALAMY

Sulaiman Addonia Dans ce roman à contre-courant, l’Érythréen célèbre L’AMOUR SOUS TOUTES SES FORMES. Un feu, et un espoir, dans l’insupportable réalité.

SULAIMAN ADDONIA, Le silence est ma langue natale, La Croisée. DR
SULAIMAN ADDONIA, Le silence est ma langue natale, La Croisée. DR

​​​​​​​​​​​​​​ON DIT QUE LES PLUS BELLES FLEURS jaillissent des décombres. L’amour et la sensualité parfois aussi. En temps de guerre, ils prennent des formes inespérées, défiant le chaos. C’est cette volupté sans chaînes qu’explore l’auteur des Amants de la mer Rouge (2009), l’histoire d’un amour interdit en Arabie saoudite, traduit dans plus de 20 langues. Dans son second roman, fruit de dix ans d’exploration de l’être et d’un détricotage subtil des tabous et des codes, l’Érythréen, qui a passé sa jeunesse dans un camp de réfugiés au Soudan, défie les zones de retranchement et d’épanouissement de la condition humaine. À l’aune des lascives Baigneuses, du peintre Edgar Degas, et de textes fondateurs de Tayeb Salih, Georges Bataille ou Pier Paolo Pasolini, qui l’ont inspiré pour l’écriture de ce récit, ses personnages ont leur propre idée de la sexualité et de ce que le désir signifie pour eux. Principalement, la farouche Saba, son frère muet, Hagos, deux jeunes réfugiés qui ont fui leur pays en guerre, et Jamal, dont les paroles étourdissantes résonnent encore en refermant le livre : « Je veux atteindre l’orgasme en mangeant ton orgasme. » En chamboulant les codes du masculin, du féminin, de la sexualité même, chacun réenchante, à sa manière, la réalité d’un camp de réfugiés. Une « symphonie aux notes humaines complexes, composée par des gens ordinaires », selon les propres termes de l’auteur. Mais au-delà de questionner la nudité, l’intimité ou la liberté des corps, Sulaiman Addonia, qui vit aujourd’hui à Bruxelles – où il a créé le festival littéraire Asmara-Addis (In Exile) –, va encore plus loin : il redécouvre la puissance du silence. Un langage universel et un espace défriché, sans identité, ni religion, ni morale, peut-être le lieu le plus vrai pour se trouver enfin. Le seul moyen de libérer son esprit et d’y accueillir le voyage le plus sincère vers soi et vers les autres.