Tarifs «Trump»:
l’urgence d’agir
De nombreux pays africains sont menacés de droits de douane exhorbitants. Outre «dealer» avec Washington, il faudrait aussi diversifier les partenaires commerciaux et miser sur l’intégration.

Donald Trump a donc fait volte-face: une semaine après avoir déclaré, le 2 avril, une hausse de 10 à 50% des droits de douane sur les exportations africaines vers les États-Unis, le président américain les a rabotés à 10% le 9 avril, pour une durée de quatre-vingt-dix jours. «Une pause», selon la Maison-Blanche, le temps de «trouver un deal» – le maître-mot de l’ancien magnat de l’immobilier. Trois mois qui offrent un répit bienvenu au continent, dont la quasi-totalité des pays (hormis le Burkina Faso et les Seychelles) sont menacés de fortes hausses tarifaires : 21 % pour la Côte d’Ivoire, 28 % pour la Tunisie, 30 % pour l’Algérie et l’Afrique du Sud, 37 % pour le Botswana, 40 % pour l’Île Maurice, 47 % pour Madagascar, et même 50 % pour le Lesotho… En Afrique du Sud, 35 000 emplois agricoles seraient menacés. Au Lesotho, où les usines textiles exportent les trois quarts de leur production vers les États-Unis, 12 000 emplois sont en jeu. Visé par des taxes astronomiques, le petit royaume enclavé craint de perdre sa compétitivité dans le textile au profit de ses concurrents, l’Eswatini (ex-Swaziland) et le Kenya, qui ne seraient taxés qu’à « seulement » 10 %. Comme l’a tristement résumée à Associated Press Mme Mareitsumetse Lesia, une ouvrière sotho inquiète: «Je sais ce que c’est de n’avoir rien à manger…» La «pause» annoncée le 9 avril est donc accueillie avec soulagement: «Cela nous donne l’opportunité de négocier», a réagi le ministre sotho du commerce et de l’industrie, Mokhethi Shelile.
L’AGOA pourrait faire les frais du credo protectionniste de Trump: l’Accord sur la croissance et les opportunités en Afrique, signé en 2000 par Washington et qui facilite les exportations de 25 pays du continent vers les États-Unis, doit expirer en septembre prochain. Le ministre du Commerce sud-africain, Parks Tau, ne cache plus son scepticisme, jugeant son renouvellement «très compliqué». L’Union africaine (UA) doit, d’ici là, s’efforcer de démontrer à Trump que l’AGOA profite également aux intérêts américains, notamment en ce qui concerne les minéraux critiques, produits dans 24 pays africains. L’objectif du continent est par ailleurs d’accélérer la mise en place de la ZLECAf et, plus que jamais, de faciliter le commerce interafricain. Les économies africaines doivent aussi diversifier leur clientèle, notamment en vendant davantage aux BRICS qui ont représenté 23% des exportations du continent en 2022 (65% vers la Chine, 31% vers l’Inde, 3,6% vers le Brésil et 0,6% vers la Russie).
UNE PRODUCTION VALORISÉE
La politique de Trump a aussi des conséquences positives: si le dollar est désormais à son plus bas niveau depuis trois ans (car les marchés financiers anticipent une crise économique aux États-Unis…), l’or, éternelle valeur refuge, bat des records à 3200 dollars l’once: une bonne nouvelle pour les pays africains producteurs (Ghana, Mali, Niger, Burkina Faso, Côte d’Ivoire, etc.) La baisse combinée du dollar et du pétrole profite aussi aux pays africains importateurs d’hydrocarbures, comme le Kenya.