Teva Meyer
« Il manque un réseau électrique transnational »
Le géographe et maître de conférences à l’Université de Haute-Alsace vient de publier Géopolitique du nucléaire (éditions Le Cavalier Bleu). Il nous éclaire sur l’intérêt grandissant du continent pour l’uranium et les enjeux que cela entraîne.
AM : La hausse des cours constatée depuis 2022 est-elle, selon vous, pérenne ?
Teva Meyer : Cette hausse a en fait démarré dès 2021, en raison de la fermeture, lors de la crise sanitaire, de plusieurs grandes mines (en Afrique du Sud, en Australie, au Canada), ceci faisant réagir le marché. Il faut savoir qu’il existe, sur l’uranium, deux marchés : un de long terme, qui englobe environ 90 % des achats, et un dit « spot », où se retrouvent des spéculateurs (environ la moitié des achats y sont réalisés par un seul fonds d’investissement) et où l’on peut s’approvisionner en uranium en cas de souci avec les gros fournisseurs, comme Rosatom. Celui-ci est plus sensible aux événements : par exemple, il avait réagi à la hausse lors des manifestations violentes en janvier 2022 au Kazakhstan, même si les mines du premier pays producteur mondial d’uranium (représentant environ 40 %) n’ont pas été affectées. La guerre en Ukraine a amplifié ce phénomène. Le marché était, jusqu’en 2021, un peu en encéphalogramme plat, et ces circonstances l’ont fait redémarrer. Désormais, il réagit à la hausse aux promesses de relance du nucléaire, de construction de réacteurs. Mais le cours du minerai peut retomber, si ces promesses ne se concrétisent pas.