Thandiwe Muriu
GRÂCE À SES CLICHÉS FLAMBOYANTS, la jeune photographe kényane célèbre la beauté des Africaines. C’est l’un des nouveaux talents les plus prometteurs du continent.
Audacieuse et animée d’une volonté effrénée, Thandiwe Muriu colore, sublime et bouscule les codes de la photographie en Afrique en réinterprétant l’art du portrait. Conquise par ses photos hautes en couleur de femmes noires, à la veine psychédélique et aux lignes graphiques, la 193 Gallery de Paris l’a invitée à participer à l’exposition « Colors of Africa » en octobre dernier. Forte du succès retentissant de Camo (2015), une série aux tonalités vives qui magnifiait la beauté des Kényanes au naturel, la jeune artiste présente cet été « Dans les yeux de Thandiwe », sa première exposition solo en France.
Au fil d’une galerie de portraits originaux, des modèles pétries de dignité et drapées de tissus chatoyants font écho à la gloire passée des reines africaines. Une exposition détonante qui confirme son talent. « J’ai toujours été fascinée par la couleur et l’esthétique africaine », confie-t-elle. Amoureuse du 8e art depuis l’âge de 14 ans, Thandiwe grandit à Nairobi au sein d’une famille d’artistes, avec une sœur styliste et une autre pianiste virtuose. Après l’obtention de son diplôme de commerce, la jeune femme, marquée par les couvertures du magazine Vogue, s’essaye au portrait en photographiant l’une de ses sœurs. Ses premières œuvres coïncident avec l’essor des réseaux sociaux : ses portraits féminins originaux y rencontrent un vif succès, ce qui l’amène à signer son premier contrat pour une campagne internationale à l’âge de 23 ans. Dans ce milieu encore très masculin, elle collabore dès lors avec Mutua Matheka, Osborne Macharia ou encore Emmanuel Jambo.
En rupture avec les codes esthétiques occidentaux des magazines, elle est déterminée à mettre en lumière la beauté naturelle de ses concitoyennes – des femmes actives et entreprenantes, comme elle. « Les jeunes filles peuvent se refléter dans mes modèles », précise-t-elle. Ses compositions révèlent une esthétique propre à la beauté de ces femmes noires – des corps trop absents des unes des magazines féminins, mais qu’elle juge indispensables pour le lectorat du continent africain et de la diaspora. Ses photographies pop, qui subliment la peau noire et les coiffures afro ou tressées, concrétisent sa démarche. Une célébration culturelle proche de l’esprit de la série du photographe malien Youssouf Sogodogo Crossroads: A Homecoming, sur les cheveux afro nattés. Elle aime également montrer dans ses œuvres l’art de la récupération tel qu’il est pratiqué en Afrique, en détournant les objets du quotidien en accessoires de mode : une passoire devient un chapeau et un moule à gâteaux se transforme en lunettes !
Sensible à la question de la relève, l’artiste souhaite inspirer les nouvelles générations. Telle une passeuse d’art, elle organise régulièrement des ateliers de photographie pour les jeunes filles, en allant à leur rencontre dans des établissements scolaires. Pour cette militante, la photographie est un outil qui permet d’incarner un modèle de réussite et donc de faire des émules aux quatre coins de l’Afrique. En attendant, à 31 ans, elle est déjà en passe de devenir la nouvelle star de la photo au Kenya. En septembre prochain, elle participera aux foires artistiques Photo London et Photo Basel.