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Un détour par la Grèce

Par zlimam - Publié en juillet 2011
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Je voulais parler de l’affaire grecque et de la crise européenne. Ça pourrait sembler loin de nous et, finalement, non. C’est un sujet qui « nous parle » : de solidarité, de politique, de justice. Et puis, l’euro, c’est un peu une monnaie africaine. Le franc CFA y est arrimé par le biais du Trésor français. Quant aux économies du Maghreb, aux portes du plus grand marché du monde, elles sont quasiment sous zone euro. Revenons à la Grèce. L’idée, jusqu’à maintenant, c’est que seuls les « pauvres », les « moyen-pauvres »,les « émergents imprévoyants » (comme l’Argentine dela fin des années 1990) pouvaient faire faillite. Et succomber à une overdose massive de surendettement. Et/ou de spéculation. On découvre que tout le monde peut y passer. Y compris un petit pays moderne d’Europe. Qui a organisé les Jeux olympiques de l’an 2004. Son poids économique est loin d’être négligeable. Un produit intérieur brut (PIB) de plus de 220 milliards d’euros pour plus de onze millions d’habitants, soit plus que les PIB de la Tunisie, du Maroc et de l’Algérie réunis, et qui la place tout de même au 39e rangdes économies du monde. Mais c’est aussi un paysmal géré, corrompu, avec un secteur public obèse, où l’incivisme fait des ravages, reflet des agissements d’une classe politique méprisée et discréditée. Avec une dette équivalant à 160 % de son PIB, sa capacité à rembourser est nulle. On croyait que la Grèce étaitune exception. On découvreque ce n’est pas le cas. Le Portugal et l’Irlande ont bu la tasse, mais on s’imagine qu’ils pourront encore payer les factures. L’Espagne, 14e économie du monde (964 milliards d’eurosde PIB), est au point de rupture avec unchômage de plus de 20 % (!). Et si l’on s’entenait aux ratios habituels, même les États-Unis devraient être placés sur liste rouge…Bref, les riches, on le voit, ne sont pas àl’abri des crises (spéculation, surendettement,mauvaise gestion). Il n’y a pas de quoi s’enréjouir. Ce sont nos meilleurs clients, nos premiers partenaires, les terres d’exil pour notremain-d’oeuvre supplémentaire. Et si eux ne vont pasbien, on ne va pas bien non plus…Sur le plan communautaire, la solidarité est aux abonnés absents. Il y aurait deux zones euro, une riche et une pauvre. Une bien gérée, une mal gérée. Évidemment, les losers sont dans le Sud… Mais quandon voit le taux d’endettement de la France (plus de80 % du PIB), ou celui de la Belgique (98 %), ou celuide l’Italie (plus de 110 %), sans parler des « stats » de l’Europe de l’Est, on peut se demander où se trouvent le Nord et le Sud… Quant aux Allemands, spécialistes des leçons de bonne gestion, ils oublient un peu viteque les trois quarts de leurs exportations se font dansla zone euro (y compris dans les pays de losers…).Au fait, qui paie, quand la crise éclate ? Les prêteurs privés, bien sûr, mais si peu. Les États, qui se font tirer la manche. Mais surtout les plus fragiles, les plus faibles, les citoyens du pays sinistré : baisses de salaires, augmentation d’impôts, hausse des prix, augmentation du chômage, de la précarité… Il y a quelque chose de profondément injuste dans le mécanisme. Et l’on voit ici et là les premiers mouvements d’« indignés » s’installer au coeur des villes. Je pourrais enfin, et pour conclure, faire preuvede provocation facile. Un prêt de plus de 110 milliards d’euros à la Grèce, c’est très bien. Et combien, réellement, pour les révolutions arabes ? pour les pays d’Afrique subsaharienne ? Combien pour le développement ? Etc.

LES PAYS RICHES NE SONT PAS À L’ABRI DES CRISES (SPÉCULATION, SURENDETTEMENT, MAUVAISE GESTION).

Par Zyad LIMAM