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Un moment africain

Par zlimam - Publié en février 2011
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L’événement sportif le plus important de la planète se tiendra sur notre continent. Dans un pays particulier, qui, plus que beaucoup d’autres, aura eu à souffrir de l’Histoire. Dans un pays compliqué, divisé, violent, mais qui a su survivre à un siècle et demi d’apartheid, de répression organisée. À ceux qui parlent d’instabilité, on pourrait rappeler qu’il y a à peine vingt ans Mandela était en prison. À ceux qui critiquent les retards, on rappellera que tout cela se passe dans un pays tout juste émergent, dans un contexte de crise économique brutale et que, pourtant, tout est prêt ou presque. Et à ceux qui évoquent avec un demi-sourire la corruption, la probable « désorganisation », les moeurs du président, etc., bref, le « petit côté africain », on rappellera que ce Mondial se déroule dans une démocratie multiraciale, une vraie, où l’on vote, où l’on choisit ses dirigeants, avec des médias, des juges, une société civile…

Cette Coupe du monde, c’est un moment pour l’Afrique du Sud, c’est un moment pour l’Afrique tout entière, un moment que nous devons nous approprier, un moment dont nous devons être fiers. C’est un moment d’autant plus important qu’il correspond aussi à un regard plus positif sur le destin du continent. Nous ne sommes pas condamnés…

L’Afrique résiste beaucoup mieux à la crise que prévu. Son taux de croissance se situera aux alentours de 5 % pour l’année 2010. Les revenus progressent lentement, mais ils progressent. L’Afrique entre dans la globalisation, « tractée » par quelques grands pays. Elle commerce mieux avec le reste du monde. Elle dispose d’importantes ressources, de matières premières, d’eau, de terres cultivables (à condition d’en maîtriser l’exploitation). Elle peut même vendre du soleil… Une nouvelle génération d’hommes d’affaires, de militants, de femmes, d’étudiants, d’artistes tentent de faire évoluer les choses, de secouer les statu quo.

Dernière frontière du capitalisme, l’Afrique attire la curiosité des grandes nations émergentes, l’intérêt de la Chine, du Brésil, de l’Inde, de la Russie. Certains investisseurs privés font même le voyage… Bref, on sent une dynamique. Un petit souffle d’optimisme. Quelque chose qui annoncerait le début de la renaissance. Il faut y croire, tout en restant lucide. L’Afrique tient le choc, mais elle est  désespérément pauvre. Sur les trente-cinq pays les moins bien classés en termes de développement humain, trente et un sont africains. Elle est confrontée à un défi écologique majeur. Elle a besoin d’être vraiment soutenue (au moins autant que la Grèce…). Et elle a besoin d’un renouveau politique et institutionnel. Seuls des États solides, bien gérés et relativement démocratiques pourront profiter pleinement de l’opportunité.

Je conclus en cédant la place à Barack Obama s’adressant aux jeunes Africains lors de son discours d’Accra : « Le monde sera ce que vous en ferez. Vous avez le pouvoir de responsabiliser vos dirigeants et de bâtir des institutions qui servent le peuple. Vous pouvez servir vos communautés et mettre votre énergie et votre savoir à contribution pour créer de nouvelles richesses ainsi que de nouvelles connexions avec le monde. Vous pouvez vaincre la maladie, mettre fin aux conflits et réaliser le changement à partir de la base. Vous pouvez faire tout cela. Oui, vous le pouvez. Car, en ce moment précis, l’Histoire est en marche… »

Par Zyad LIMAM