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Mon Abidjan

Une histoire d’amour

Par Illa Donwahi - Publié en mars 2023
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NABIL ZORKOT
NABIL ZORKOT

Économiste, femme d’entreprise, elle est passionnée comme ses parents d’art contemporain. En 2008, elle crée, avec quelques amis, dont Simon Njami, la Fondation Donwahi. Un ensemble culturel au sein d’une maison familiale, à Cocody. Artistes africains et mondiaux s’y croisent dans une atmosphère chaleureuse et éclectique.

Comment raconter mon Abidjan, cette cité à multiples facettes, à population cosmopolite, qui se ressent et s’apprivoise avant de se donner généreusement ? L’exercice n’est pas simple, il existe déjà maintes publications spécialisées pour diriger le touriste vers ces fameuses « adresses incontournables ». Je ne me risquerai donc pas sur ces chemins-là. La capacité de se réinventer en permanence, le sens poussé de la dérision de ses habitants font sa spécificité. L’identité, la dynamique et l’écosystème propres à chaque quartier me conduisent à penser plutôt à « mes Abidjans » ! Il n’y a pas « une Abidjan »…

, le centre commercial Cosmos Yopougon, au standard international. NABIL ZORKOT
Le centre commercial Cosmos Yopougon, au standard international. NABIL ZORKOT

Je suis née au Plateau, et j’ai grandi à Marcory, l’une des 10 communes de la ville. Celle-ci, qui compose, avec Treichville et Koumassi, l’île de Petit Bassam sur la lagune Ébrié, est représentative de cette Abidjan multiple et métisse ; ses petites échoppes et ses grands centres commerciaux, ses quartiers résidentiels huppés et ses logements mitoyens plus modestes, ses restaurants chics de la célèbre Zone 4 jouxtant des spots plus populaires, ses grandes artères futuristes, et ses ruelles de terre impraticables par temps de pluie. Dans la plupart des communes, les habitants pourraient y vivre sans jamais passer les ponts les menant sur d’autres territoires.

Abidjan la résiliente, ce sont les quartiers de Yopougon et d’Abobo abritant des communautés venant de tout le pays, et au-delà, pouvant se targuer d’être de véritables incubateurs de créativité : musique, arts picturaux et vivants naissent, s’expriment dans la rue ainsi que dans des espaces nouveaux ou anciens, courageuses initiatives d’artistes ou de mécènes avant-gardistes. Les dernières nées que sont l’espace de lecture 1949 d’Edwige Renée Dro, à Yopougon, et la Fondation Sankonian de Célestin Koffi Yao, à Abobo, sont à expérimenter.

le quartier d’Abobo. ZYAD LIMAM
Le quartier d’Abobo. ZYAD LIMAM

Abidjan l’orgueilleuse, c’est le quartier du Plateau et ses tours administratives imprenables. C’est aussi la belle Cocody, qui résiste fièrement, de son mythique Allocodrome au non moins célèbre hôtel Ivoire voisin du quartier-village de Blockhauss, fief des « anciens propriétaires » d’Abidjan, le peuple ébrié. Une multitude de nouveaux quartiers résidentiels et commerciaux reliés par un nombre incalculable de ronds-points remplace peu à peu les espaces verts naturels, au point d’empiéter sur la ville voisine de Bingerville, devenue « quartier-dortoir » d’Abidjanais ne pouvant faire face à l’inflation immobilière.

Abidjan la malle aux trésors, ce sont les quartiers de Koumassi et d’Adjamé, où, en s’armant de patience, on fait de belles découvertes à des prix défiant toute concurrence : mobilier, tissus… À ne surtout pas manquer, comme dirait le guide !

Il y a malheureusement aussi la réalité de l’existence de quartiers insalubres orphelins, dans lesquels il ne faut pas s’aventurer, avec des enclaves de non-droit où des « fumoirs » (espaces de consommation de drogues fortement addictives) prospèrent, enfermant jeunes et moins jeunes, blasés et désabusés dans un cycle infernal.

 le parc national du Banco, en plein cœur de la ville. NABIL ZORKOT
 Le parc national du Banco, en plein cœur de la ville. NABIL ZORKOT

Mais Abidjan est verte, avec son parc national du Banco (de près de 3 500 hectares) en pleine ville, rare exemple au monde d’écomusée. Il s’agit du poumon de la cité, qui sans lui battrait des records de pollution atmosphérique, avec notamment ses embouteillages. La lagune Ébrié, qui traverse la ville et gagnerait à être mieux préservée, n’est pas en reste : dans une autre vie, peut-être que j’y naviguerais en pirogue pour éviter les conducteurs de wôrô-wôrô, gbakas, et autres chauffards.

Enfin, Abidjan la gourmande, c’est cette incroyable diversité ethnique et ce mélange de cultures qui permettent d’y trouver à peu près toutes les cuisines du monde. La palme revenant à la street food : garba, poulet braisé, porc au four, maïs grillé, et autres bananes plantains sont préparés à la demande à chaque coin de rue. À peu de frais, vous aurez votre quota de matières grasses et de sucres lents pour tenir au moins 24 heures !

Qu’il soit par voie aérienne ou routière, un retour dans la cité est toujours une histoire de retrouvailles amoureuses. À chaque fois, j’ai la même sensation de retrouver « l’heureuse élue », dont aucun discours ne pourrait traduire l’incroyable charme et l’identité vibrante.

Abidjan « l’attachiante »… Tous l’auront compris, je suis atteinte d’Abidjanphilie aiguë !