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VISA OR NOT VISA ?

Par empontie - Publié en juin 2014
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LA QUESTION EST DÉLICATE, mais il faut avoir tout de même le courage de l’aborder. De nombreux pays africains renforcent leur politique de visas pour les étrangers du Nord, pour les visiteurs venus des pays « riches ». Au sacro-saint prétexte, tout à fait louable a priori, de la réciprocité. Évidemment, l’obtention d’un visa pour un Africain qui désire venir en France relève neuf fois sur dix du parcours du combattant. Les consulats bleu-blanc-rouge réclament des papiers ou garanties supplémentaires incroyables au gré des circulaires sournoises qui durcissent la loi.

Des amis haut placés en Afrique centrale me racontent comment on exige la présence de ministres d’État, en les obligeant à s’aligner sous le soleil, s’ils veulent obtenir le sésame pour Paris. À d’autres, on demande de justifier d’un compte en banque en France ou de souscrire une assurance rapatriement en cas de décès, etc. Résultat, nombre « d’immigrés » riches venant d’Afrique pour faire un check-up, du business ou du farniente, mettent le cap sur la Suisse ou les États-Unis, des pays aux procédures finalement plus carrées, moins pointilleuses. Bien fait pour la France, décidément incapable de moderniser ses mentalités, de fluidifier les rouages de l’administration et de préférer le protectionnisme à l’ouverture.

En revanche, un tel comportement mérite-t-il l’esprit revanchard qui s’est emparé des ambassades africaines à Paris? Essayez d’aller au Nigeria si vous êtes français, et on vous demandera la garantie morale et pécuniaire d’une personne vivant là-bas, sinon impossible de bouger. Pratique, quand on y va pour travailler... Car, soyons francs, on va rarement à Lagos ou à Abuja pour y passer de douces vacances. La plupart des Africains rétorquent : bien fait pour vous, nous appliquons la réciprocité. Mais récemment, un homme d’affaires sénégalais se montrait furieux que son pays ait instauré des visas pour les Français : « Ah bon, quelle réciprocité? C’est bien nous, les pays africains, qui allons quémander des aides en Europe, non? Encore nous qui déversons dans l’Hexagone des émigrés qui ne veulent plus rentrer? A-t-on déjà vu un Français entrer clandestinement dans nos pays et rêver d’y rester? Et sans l’apport de la France dans le business, le BTP et le tourisme, on ferait quoi! Arrêtons cette hypocrisie. » C’est bien un Africain qui parle... Et j’ai envie de dire qu’il n’a pas tort. Si la France doit bien sûr assouplir sa politique de visas, en attendant, la réciprocité n’est pas une solution pour des pays africains qui, malgré les efforts réels d’émergence, ont besoin d’un flux de migrants occidentaux, orientaux, mondiaux, pour continuer à se développer et nouer des partenariats gagnant-gagnant, pour reprendre une expression dans l’air du temps...

Par Emmanuelle PONTIÉ