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Vous avez dit corruption ?

Par vekonan - Publié en novembre 2011
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Il n’est peut-être pas anodin que tous ceux qui sont cités pour avoir servi d’intermédiaires dans ces sordides affaires de corruption soient d’origine étrangère. Arabe, pour être plus précis. Takieddine, Bourgi, Djouhri. Vous dites corruption ? Cherchez l’Arabe. Mais, entre nous, qui peut croire des choses pareilles ? D’ailleurs, ces déclarations ont été suivies d’une cascade de démentis et même de menaces de procès. Bourgi a dit que, concernant les Wade, père et fils, qu’il avait cités, sa mémoire lui avait joué un mauvais tour. Ce n’est pas Chirac, qui a aussi des problèmes de mémoire, qui lui en voudrait d’avoir cité son nom. Il est vrai que Wade père s’oublie parfois à offrir une mallette pleine d’argent au représentant du FMI qui est allé lui faire ses adieux. Mais de là à en offrir à un chef d’État français, il y a un pas que seule la mémoire défaillante de Robert Bourgi peut lui faire franchir. Cette information était tellement peu crédible qu’après avoir fait l’actualité pendant quelques jours on l’a vite oubliée. Aucun parlementaire, aucun leader de l’opposition française n’en a fait une histoire. Des chefs d’État perpétuellement fauchés qui corrompraient des chefs d’un des États les plus riches et vertueux du monde ? Soyons sérieux de temps en temps. Par contre, qu’il y ait eu des rétrocommissions entre la France et le Pakistan dans une affaire de vente d’armes et de sous-marins, ça, c’est du lourd qui n’a rien à voir avec le folklore des tam-tams. Donc tout le monde en Afrique et en France a nié, et on en est resté là. Il n’y a jamais eu de transport d’argent, ni dans des djembés ni dans des balafons ou des koras. En Côte d’Ivoire, Mamadou Koulibaly, ex-président de l’Assemblée nationale, a bien essayé de dire que c’était vrai, que le socialiste Laurent Gbagbo avait bien envoyé de l’argent au très droitier Jacques Chirac pour que celui-ci ne l’ait plus dans le nez mais à la bonne. Or tout le monde sait que, depuis que son ancien patron est en résidence surveillée là-bas à Korhogo, Mamadou Koulibaly a lui aussi des problèmes de mémoire et dit souvent n’importe quoi, du genre : « Celui qui a gagné l’élection présidentielle en Côte d’Ivoire est bien Alassane Ouattara, et ceux qui croient en un retour de Gbagbo au pouvoir sont des rêveurs. » Bizarre comme l’ancienne vice-présidente de l’Assemblée nationale Marthe Agoh, une baronne du FPI, le parti de Laurent Gbagbo, a pris ses propos au sérieux et lui a vite apporté la réplique qu’il méritait : « Koulibaly est un traître. » Traître et menteur, c’est à peu près kif-kif… En tout état de cause, si d’aventure des personnes voulaient accorder un quelconque crédit aux propos de Bourgi en se disant qu’il n’y a jamais de fumée sans feu, ou qu’avec ces diables d’Africains on peut s’attendre à tout, qu’elles sachent que jamais une telle chose ne s’est produite sous Sarkozy. C’est Bourgi lui-même qui l’a dit. Et là, on peut vous garantir qu’il n’a eu aucun problème de mémoire. Vous pouvez le demander à Chirac, qui sait retrouver la sienne lorsqu’il n’est pas menacé de procès. Il connaît suffisamment la maison Françafrique pour savoir ce qui s’y est passé avant, pendant et après son règne. Mais tout de même ! Sarkozy, celui qui s’est donné pour mission de moraliser la France et accessoirement l’Afrique, se laisser corrompre par des gens qui ne sont même pas entrés dans l’Histoire ? Il faut être arabe ou nègre pour oser penser une chose pareille.

Par Venance KONAN "Journaliste, écrivain, directeur du journal quotidien Fraternité Matin (Côte d’Ivoire)"