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Parcours

Walid Hajar Rachedi

Par Astrid Krivian - Publié en juillet 2022
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« L’identité française existe, mais elle mérite un débat apaisé. » ANNIE GOZARD
« L’identité française existe, mais elle mérite un débat apaisé. » ANNIE GOZARD

L’écrivain d'origine algérienne signe un premier roman sensible, en lice pour le prix Orange du livre. De Kaboul à Tanger, de Londres à Oran, il y fait le récit initiatique d’un jeune héros travaillé par des questions métaphysiques.

«Le voyage, c’est aller de soi à soi en passant par les autres. » Ce proverbe touareg résume bien le cheminement du héros de Qu’est-ce que j’irais faire au paradis ? Français d’origine algérienne, Malek, la vingtaine au début des années 2000, souffre d’être assigné à une identité « arabe, musulmane » associée à l’obscurantisme, au déclassement.« Les attentats du 11 septembre ont bouleversé les représentations et débats dans la société française. Auparavant appelés “Arabes”, “immigrés”, les Français d’origine maghrébine sont devenus des “musulmans”. Et certains pratiquants étaient soupçonnés de radicalité », regrette Walid Hajar Rachedi. Après sa rencontre marquante avec un jeune exilé afghan, Malek se lance sur les routes du monde arabe, en vue de se libérer des carcans, de trouver du sens. Un voyage initiatique, une quête spirituelle, existentielle, pour découvrir les richesses culturelles de l’Andalousie au Caire, en passant par Tanger, Oran… Se confrontant aux autres, au réel, il crève l’écran de fantasmes posé entre lui et le monde. Avec pour boussole, sa foi en l’islam. « Mon roman est un thriller métaphysique. Souvent, les personnages issus de l’immigration sont sauvés par les lettres et la République. Le mien trouve sa force et sa transcendance autrement, incarnant une figure positive. » Malek tombe amoureux de Kathleen, jeune Londonienne dont le père, humanitaire en Afghanistan, a disparu. Dans ce portrait tout en nuances d’une génération Y mondialisée, l’auteur tisse avec finesse la toile de son intrigue haletante et entrelace les destins, entre Londres, Kaboul, Paris… Avec une puissance d’évocation, il trempe sa plume dans les drames contemporains comme dans les blessures intimes, les rêves et désillusions de ses héros. S’ils sont hantés par des questions semblables – amour, identité… –, les événements géopolitiques les affectent et les forgent différemment.

Qu’est-ce que j’irais faire au paradis ?, Emmanuelle Collas, 304 pages, 18 €. DR
Qu’est-ce que j’irais faire au paradis ?, Emmanuelle Collas, 304 pages, 18 €. DR

Poursuivre les horizons, c’est aussi le moteur de cet écrivain. Né en 1981 à Créteil, enfant rêveur et solitaire, il s’évade à travers les livres. Il attrape le virus de l’écriture grâce à Sourires de loup, de Zadie Smith, et aux rappeurs des années 1990, maîtres du storytelling. Diplômé d’informatique puis d’une école de commerce, il est le cofondateur du média en ligne Frictions. Ses expériences professionnelles (consultant digital, journaliste, enseignant…) lui font poser ses valises au Mexique, aux États-Unis, au Brésil pendant six ans. Globe-trotteur infatigable, la soif de liberté et la curiosité en bandoulière, ce polyglotte, désormais établi à Lisbonne, a traversé l’Amérique latine du Brésil à Cuba, en se demandant : l’identité latino-américaine existe-t-elle ? Le voyage l’« autorise à être ébloui », défie ses valeurs, ses perceptions sur les sociétés. Et le libère de cette double conscience, avancée par le sociologue américain W.E.B. Du Bois, ce poids des représentations raciales, ce regard de l’autre qui enferme, et que le sujet intériorise. «Pour forcer un peu le trait, à l’étranger, je suis en mode béret-baguette ! J’ai réalisé à quel point j’étais français – mes goûts culturels, la conscience sociale pour l’égalité, l’esprit critique, l’intérêt pour l’actualité, la curiosité… L’identité française existe, mais elle mérite un débat apaisé. »