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XXIe siècle : envie de Chine

Par zlimam - Publié en février 2011
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Comprendre comment des centaines de millions de démunis sont devenus des classes moyennes en si peu de temps. Mesurer la part des choses, voyager dans une nation riche, mais encore fragile (le revenu par habitant reste aux alentours de 3 000 dollars par an et par habitant). Voir comment, malgré tout, la Chine résiste mieux que prévu à la crise, s’appuyant sur son marché intérieur naissant (!) et sur un vaste programme d’investissements en infrastructures. Comprendre pourquoi la plupart des économistes estiment que le taux de croissance va se maintenir au moins à 6% pour 2009. Voir comment les autorités comptent mener à bien leur projet d’assurance-maladie pour 90% des ruraux d’ici à 2011. J’aimerais voir comment se forme la superpuissance de demain. Voir la naissance de ce siècle asiatique au moment où la crise touche d’abord au cœur du capitalisme, en Amérique, en Europe (et aussi au Japon). J’aimerais aussi voir comment ce grand pays va prendre sa place sur la scène internationale. Voir comment les Chinois se sentent en tant que nouveaux citoyens du monde global. Comment la Chine jouera sa partition face aux États-Unis. Comment elle répondra à des questions complexes : la participation à l’effort de développement, à l’effort écologique, les relations avec l’Afrique, avec les autres pays émergents, son rôle dans la gouvernance du monde, à la Banque mondiale, au Conseil de sécurité, au Fonds monétaire international, son approche du libre-échange et des négociations commerciales… J’ai très envie d’aller voir la Chine devenir, voir comment elle répondra à la question, essentielle, du Tibet. Et comment elle répondra à la question, non moins essentielle, de la démocratisation et de la modernisation politique.

Orient : Israël dans l'impasse
On s’oriente vers le pire gouvernement de l’histoire d’Israël. Un gouvernement de loser (le vainqueur du scrutin, Tzipi Livni et son parti Kadima, a le courage de ne pas participer à cette mascarade) dominé par l’ultradroite. Un gouvernement dont le Premier ministre, Benyamin Netanyahou, aux abois, confronté à un tête-à-tête impossible avec une extrême droite infréquentable, repêche, pour survivre, les restes d’un Parti travailliste en déroute idéologique et morale. Un gouvernement dont le futur et actuel ministre de la Défense, Ehoud Barak, chef des travaillistes et grand perdant des élections, se trouve être également le brillant stratège qui a mené la désastreuse « aventure » de Gaza, le général de légende qui a envoyé des centaines d’avions de chasse et de tanks bombarder les zones civiles, raser les villes… sans gagner la bataille. C’est un gouvernement pour rien, qui sera incapable de faire la paix avec les Palestiniens, qui sera incapable de résoudre les problèmes économiques, identitaires et sociaux du pays. Ce n’est pas moi qui le dis, c’est une bonne partie de la presse israélienne, de droite comme de gauche, une presse presque désespérée devant l’état de déliquescence politique de la nation. Toujours dans la presse israélienne, grâce aux récits des soldats, les citoyens découvrent avec stupeur comment, à Gaza, les hommes de Tsahal ont tué plus ou moins sciemment des civils, ont saccagé volontairement biens et propriétés, soutenus « moralement » par des rabbins extrémistes. Les Israéliens découvrent à quel point leur pays s’est isolé sur la scène mondiale. Ils découvrent que leurs puissants, influents cousins d’Amérique ne comprennent pas le sens d’un vote qui donne un rôle central à une formation d’extrême droite et qu’une rupture s’installe entre Israël et le judaïsme libéral d’outre-atlantique. Ils découvrent que la puissante Amérique, l’allié incontournable, s’intéresse aujourd’hui plus à l’Iran. Ils découvrent que l’administration Obama pourrait se révéler différente et imposer un règlement de la question palestinienne. Et l’on surprend certains éditorialistes à appeler de leurs vœux un tel changement, comme pour pouvoir sauver la nation d’Israël. Malgré elle…

Presse : couvrir l'Algérie
Lorsque ce magazine sera entre vos mains, l’Algérie s’apprêtera à voter ou aura déjà voté. De toute évidence, sauf évolution tout à fait improbable du rapport de forces, Abdelaziz Bouteflika aura été réélu pour un troisième mandat. Ceux qui lisent régulièrement Am savent aussi que le numéro de mars de notre magazine a été saisi en Algérie, suite à un article titré « Le Crépuscule des généraux ». Sur le principe, la censure d’un titre de presse n’a pas de raison d’être. Quelle que soit la qualité de l’article incriminé, quels que soient ses défauts ou ses vérités, les lecteurs, en particulier algériens, sont suffisamment grands pour se faire une opinion, faire le tri. Ils en ont lu d’autres, ils en ont vu d’autres. Ils sont branchés, sur le satellite, sur l’internet. Finalement, l’interdiction ne sert à rien, sauf à attirer l’attention du public et des autres médias. D’ailleurs, la censure, qui fut un moment pratique courante sur le continent, a pratiquement disparu. Et ce qui se passe en Occident doit devenir la règle dans toutes les démocraties émergentes : la justice est là pour trancher les délits de presse, si délit il y a. En attendant, l’ambition d’Am reste de couvrir l’Algérie. C’est un grand pays, incontournable, modelé par une histoire forte, une histoire de libération, qui aura influencé trois générations d’Africains. C’est un grand pays qui revient de loin, héritier d’une indépendance contrariée, héritier de trente ans de collectivisme économique. Et surtout d’une guerre civile fratricide et dévastatrice. Le peuple, l’armée, les intellectuels, les civils, les innocents ont payé un immense prix du sang. Et quelle que soit l’analyse que l’on peut avoir des difficultés, on constate que l’Algérie va mieux. Elle est en reconstruction, puissante et fragile à la fois, confrontée à d’immense défis : la réconciliation des citoyens, la justice sociale, un avenir pour la jeunesse, le développement économique, la modernisation, la création de richesses, d’entreprises, la gestion de la manne pétrolière et, last but not least, la démocratisation progressive du pouvoir et la relève des générations… C’est un grand pays passionnant, africain, continental, méditerranéen, maghrébin, que nous couvrirons donc parce que c’est notre métier et parce que nous sommes tous un peu algériens…

Évolution : www.afriquemagazine.com
C’est une remarque « frappante ». Un patron de presse français s’adresse à ses cadres : « Aujourd’hui, nous sommes un grand magazine qui dispose d’un site internet. Demain, nous serons un grand site internet qui disposera d’un magazine… » Je ne crois pas à la mort inéluctable de la presse, en particulier magazine, je crois que les lecteurs auront toujours besoin de la convivialité, de la proximité, de la facilité et d’une certaine manière de la sensualité du papier. Mais je crois que nous, éditeurs, avons tous besoin de nous préparer au futur, à prendre déjà la route et voir où elle nous mène. Toucher aussi, grâce à l’Internet, des lecteurs lointains, d’habitude hors de portée. Toucher, grâce aux futurs logiciels de traduction, des lecteurs qui s’expriment dans d’autres langues. Toucher à la fabrication des magazines digitaux, qui se feuillettent presque comme des « vrais », contourner les frontières et les coûts de transport, rêver d’universalité… Cela étant dit, l’affaire n’est pas facile. Aucun business plan n’est venu valider la viabilité des sites de presse indépendants. La publicité est rare. Les seuls qui ont une chance de générer des revenus sont ceux qui bénéficient d’une forte machine de presse écrite et télévisuelle, qu’ils mettent au service de leur plate-forme web (cnn.com, lemonde.fr, lefigaro.fr, etc.). Malgré tout, et pour reprendre l’expression de notre président américain Barack Obama, il faut avoir « l’audace d’espérer ».
Nous nous sommes donc lancés dans une nouvelle version de afriquemagazine.com. Un site certes encore en construction, mais avec plus à lire, plus à voir, un site qui, je l’espère, ressemble à notre magazine tout en étant différent. On attend vos réactions pour nous aider à construire notre chemin vers le futur.

Chronique [ L’air du Temps ] de Zyad Limam parue dans le numéro 283 (avril 2009) d'Afrique magazine.