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XXIe siècle : la puissance n'est plus ce qu'elle était

Par zlimam - Publié en février 2011
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Les pays émergents, les grands, comme les BRIC (Brésil, Russie, Inde, Chine), ou les plus petits (la Corée du Sud) ont des avantages certains. La plupart sont dopés par un optimisme rare. Ils ont l'avenir devant eux. La plupart n'ont pas de dettes. Au contraire, ils ont des surplus budgétaires imposants, qui leur permettent de lancer de vastes programmes de relance. Leurs économies sont « dirigées », et ils n'ont pas cédé aux fantasmes d'une financiarisation à outrance. Ils ont, le plus souvent, d'immenses marchés intérieurs, qui peuvent progressivement atténuer leur dépendance aux exportations.
C'est un signe de plus dans la révolution, fondamentale et historique, qui s'opère devant nous. L'Occident n'est plus le seul maître à bord. La globalisation a libéré les forces de l'ancien tiers monde. L'équilibre de notre civilisation change. Le PIB total des BRIC devrait égaler, en 2040, celui du G6 (États-Unis, Japon, Royaume-Uni, Allemagne, France et Italie). Enfin, selon la Banque mondiale, la Chine est déjà la deuxième puissance économique mondiale, devant le Japon, l'Allemagne, l'Inde (!), le Royaume-Uni et la France. Un reclassement qui aura évidemment des conséquences sur les réformes et les discussions en cours concernant la gouvernance mondiale (G20, FMI, Banque mondiale, justement, etc, etc.).
Les choses ne sont bien sûr pas figées. Certains émergents sont en danger, comme la Russie, en voie de dépopulation et de désindustrialisation. La Chine doit faire face aux séparatismes et à d'immenses problèmes de gouvernance. Devenir « grand » n'empêche pas – au contraire – les problèmes écologiques, sociaux, démocratiques. Des « nouveaux », aussi, se présentent au club, perturbant un peu plus le jeu (l'Indonésie, le Vietnam, l'Afrique du Sud, le Mexique, les Émirats du golfe, l'Arabie saoudite, la Malaisie...). Enfin, il ne faut pas totalement croire à la théorie du déclin américain. Les Américains sont affaiblis. Ce sont eux qui ont inventé le concept de « destruction créative » (détruire pour mieux reconstruire). Quand ils sortiront de la crise, ils seront loin devant, dans le monde du XXIe siècle.

Dans moins d'un an... Le défi sud-africain
11 JUIN 2010, SI TOUT VA BIEN... Ce sera le match d'ouverture de la Coupe du monde de football. Qui se déroulera, « chez nous », sur le continent, en Afrique du Sud. Un événement planétaire, populaire, un défi central pour les héritiers de Nelson Mandela, avec des retombées pour l'ensemble de l'Afrique. Un événement qu'Am va couvrir dès maintenant (découvrez page 92, Polokwane, le stade du bout du monde...). D'ici au début de la compétition, nous irons chaque mois à la rencontre de cette Nation arc-en-ciel, fière, fragile, violente. La Coupe des confédérations (en juin dernier, voir page 131) a montré que l'Afrique du Sud pouvait être prête. Mais le pays est aujourd'hui confronté à sa pire récession depuis dix-sept ans. Les chantiers de la Coupe ont du mal à être financés. La crise frappe durement les citoyens, au portefeuille. Depuis début juillet, les townships, tristes héritages de l'apartheid, sont en ébullition (1 million de familles vit toujours dans des bidonvilles, sans eau ni électricité). Les grèves se multiplient dans les entreprises et la fonction publique, pour obtenir des augmentations de salaires... L'autorité du nouveau président, Jacob Zuma, est mise à l'épreuve. Il faut surmonter la crise, parer à la détresse sociale, organiser une Coupe du monde, finir les stades, accueillir le reste de la planète (Barack Obama est invité...). Nous, on y croit. On sera là. Allez, les Bafana-Bafana, montrez au monde que vous êtes capables d'un exploit !

Futur : Mars se trouve sur Terre
ON A FAIT BEAUCUP DE BRUIT, ces dernières semaines, sur le quarantième anniversaire des premiers pas de l'homme sur la lune. On a revu en boucle, et avec un certain frisson, les images de Neil Armstrong descendant l'échelle du module, avec cette phrase historique, que, dit-il, il n'avait pas spécialement préparée : « One small step for man, one giant step for mankind... » (un petit pas pour l'homme, un grand pas pour l'humanité). Cet anniversaire a été l'occasion de faire le bilan des années Apollo, des années navettes, des années stations orbitales. On a reparlé de revenir vers la Lune, puis de faire le grand voyage vers Mars, et comme d'autres, assez naïvement, je me suis dit que nous, êtres humains, nous avions besoin de cette aventure, de ce rêve permanent, d'aller conquérir les étoiles...
Et puis, je suis redescendu sur Terre, en me demandant si, au fond, les étoiles n'étaient pas là, devant nous. Bien sûr, on pourrait aller sur Mars et engloutir un certain nombre de centaines de milliards de dollars d'ici à 2050... Mais on pourrait aussi s'occuper de notre globe, de notre humanité, lutter contre la pauvreté, le réchauffement climatique, préserver l'écologie, dépolluer les océans, inventer un modèle de développement qui permette de croître et de protéger les terres arables, l'eau, les ressources et la nature. On pourrait aller sur Mars ou Vénus, mais l'urgence, c'est tout d'abord la restauration de notre écosystème, et la survie à long terme de notre espèce. Voilà une aventure utile, une grande aventure pour les générations qui viennent...

Élections : l'incroyable monsieur Gbagbo
IL EST DIFFICILE DE DIRE si les élections ivoiriennes auront lieu à la date prévue (fin novembre 2009). La plupart des Ivoiriens n'en sont pas vraiment persuadés, la plupart des pays partenaires non plus. La Côte d'Ivoire ne s'attend plus à grand-chose, avançant cahin-caha, en attendant un scrutin qui marquerait, symboliquement et politiquement, la fin d'une longue et douloureuse parenthèse de plus de dix ans. La fabrique du pays s'est déchirée. La nation s'est appauvrie. La Côte d'Ivoire s'est « rétrécie ». Il est vraiment temps de voter, de sortir de ce tunnel. Dans un sondage « sensible », révélé par nos amis de Jeune Afrique, pour le compte d'une officine proche de la présidence ivoirienne, on apprend un certain nombre de choses qui « parlent ». Un, Laurent Gbagbo arriverait en tête des intentions de vote au premier tour (43 %). Deux, le taux de popularité de l'actuel président est étonnant (61 %). Trois, toujours au premier tour, Alassane Ouattara et Henri Konan Bédié se tiennent dans un mouchoir (aux alentours de 29 %). Quatre, les informations sur les reports de voix au second tour n'ont pas été divulguées. Trop « stratégiques »... Les élections, si elles ont lieu, seront donc très serrées et très surveillées (par la communauté internationale), ce qui explique que les protagonistes commandent des sondages pour y voir plus clair. Et on peut donc s'attendre à un schéma post-électoral très complexe. Ensuite, il faut rendre à César ce qui appartient à César, et reconnaître à Laurent Gbagbo un certain talent, une « résilience » comme diraient les psychanalystes, une capacité de résistance hors du commun. Le président a survécu à tout et, mieux, il est relativement populaire, incarnant une forme d'indépendance, de « négritude active et militante », face à l'Occident et ses « alliés locaux ». Il parle comme le peuple, il connecte avec le pays profond, il a survécu à une guerre civile larvée, à un coup d'État, à trois Premiers ministres, à Kléber, à Marcoussis, à Ouaga, à l'hostilité de la France et de certains de ses voisins... Il est malin, intelligent, habile, sans états d'âme, un vrai combattant. Tous ceux qui l'ont sous-estimé se sont trompés et ont dû, à un moment ou un autre, revenir à sa table de négociation...
Laurent Gbagbo est un homme politique hors du commun, un vrai survivor. Mais, en dix ans de règne, on aurait aimé voir plus souvent un homme d'État, un chef au-dessus des partis, un homme de consensus, ouvert sur la sous-région, un réconciliateur. Le bâtisseur d'une nouvelle Côte d'Ivoire. Aujourd'hui, c'est de cela dont ce pays meurtri a besoin.

Chronique [ L’air du Temps ] de Zyad Limam parue dans le numéro 287 (août/septembre 2009) d’Afrique magazine.