Artitude
« Creative entrepreneur », militante culturelle panafricaniste et féministe, elle a créé plusieurs revues d'art, dont Something We Africans Got. Directrice artistique d'Aby, le concept store le plus pointu de la ville, elle vient de lancer Something, un centre d’art digital « non-profit » à Blockhauss.
Abidjan est grand… Même si, comme à Paris, l’espace de chacun se restreint à un carré balisé. Je suis née au Plateau, mais ce n’est que plus de trois décennies après avoir quitté la capitale économique que j’ai pu apprendre à nouveau à la pratiquer. Enfin, pour être précise, que j'ai pu apprendre à connaître Cocody et le Plateau avec, à la faveur de visites chez les artisans et les vendeurs de tissus de Treichville, quelques escapades de l’autre côté du pont.
Mon Abidjan, c’est celui des marginaux bien sapés, des créatifs riches d’idées en attente de soutien, des bien nés bohèmes et des taxis wôrô-wôrô, politologues ou philosophes lucides, qui vous raccrochent à la base.
Des lieux aux personnes que je fréquente, tout est en rapport avec l’art. Les protagonistes et les propositions sont si nombreux ici que l’absence de manifestation artistique internationale d’envergure demeure un mystère. De retour au pays, l’ikigai (« joie de vivre » en japonais) trouvé, on essaie d’appliquer les méthodes d’ailleurs, avant de vite se casser les dents sur la rudesse de l’accueil de ceux qui sont restés. Se faire une place dans la meute est plus évident lorsque l’on n'en a jamais fait partie que lorsque l’on y retourne.
L'Abidjan artsy, c’est tout d’abord la trinité de Cocody : la LouiSimone Guirandou Gallery, la Fondation Donwahi et la galerie Cécile Fakhoury. On doit aussi citer la galerie Amani, en Zone 4, et les expositions au Musée des cultures contemporaines Adama Toungara (MuCAT), à Abobo. Côté institutionnel, le très dynamique Goethe Institut occupe le terrain avec des initiatives telles que le soutien de l’exposition du MuCAT sur Wolfgang Tillmans.
Je rejoins humblement cette grande conversation avec Something, un centre d’art que j’ai officiellement ouvert à la fin de septembre 2021. C’est le premier qui est consacré à la vidéo et à l’art digital, aux artist talks également. L’acte de préouverture fut d’ailleurs d’organiser une discussion entre Tillmans et le curateur Simon Njami. Something est installé à Blockhauss, un choix axé pré-gentrification en bonne « binguiste » (Africain vivant en France) que je suis. J’ai surtout été bien avisée de m’installer à proximité de l’Ivoire Trade Center (ITC), QG de grandes entreprises, et dans le prolongement du mythique Hôtel Ivoire.
Dans l’ITC, justement, se trouve Aby, une nouvelle destination, un concept store haut de gamme, made in Africa only, imaginé par la galeriste Cécile Fakhoury, et que j’ai contribué à concrétiser en assurant la sélection des objets et la direction artistique. Aby vient poursuivre le travail du très branché Dozo, petite boutique de trend setters dirigée par Aziz Da, instigateur de la Sunday.
Dans les endroits définitivement cool, il y a le Bushman, le coin du dimanche soir pour moi, et celui de tous les jours pour les amateurs de grandes tablées, de grillades et de shots de rhum arrangé. Créé par Alain Porquet, un diplomate collectionneur d’art et désormais ardent défenseur d’un chocolat made in Côte d’Ivoire (que l’on peut déguster sur place ou réaliser chez soi), le lieu est un boutique-hôtel avec un restaurant roof top, où chaque centimètre carré est occupé par une œuvre d’art ou de design, provenant de toutes les époques et de tous les horizons.
Côté assiette, mon côté posh plébiscite le Nama, nouveau spot ultra-smart du Plateau. Et je ne peux pas terminer sans mentionner le maquis la Festina Beach, qui sert le meilleur poisson braisé de Blockhauss, et un excellent kedjenou d’escargots. Il ne faut pas avoir peur