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Interview

Ramzi Omaïs
« On est une famille ! »

Par Emmanuelle Pontié - Publié en mars 2023
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Le DG de l'hôtel Tiama, situé au cœur du Plateau. NABIL ZORKOT
Le DG de l'hôtel Tiama, situé au cœur du Plateau. NABIL ZORKOT

Le directeur général de l'hôtel Tiama nous raconte les défis et les succès que ce 5 étoiles a rencontrés durant son histoire.

Ensuite : L’hôtel Tiama vient de fêter ses 50 ans.

Une longue histoire de famille. La vôtre. Quels sont votre meilleur et votre pire souvenir ?

Ramzi Omaïs : Le meilleur, c’est lorsque nous avons fini les travaux de mise aux normes 5 étoiles, en septembre 1999. Avec une piscine, un restaurant gastronomique, des chambres au niveau. Et le pire, c’est le coup d’État de Noël qui a suivi et balayé tout cet investissement réalisé par mon père. Nous avons connu une chute de chiffre d’affaires qui a duré près de dix ans. Après le coup, il y a eu les élections d’octobre 2000, qui ont engendré une période compliquée. Et ensuite, nous avons vécu septembre 2002 et la scission du pays, puis les accords de Marcoussis, et en 2007 le début de la réconciliation. Là, il y a eu une petite reprise jusqu’à la présidentielle de 2010, puis le pays a plongé dans la crise post-électorale. Notre hôtel était au cœur du conflit. Nous avons eu des dégâts, mais bon, tant qu’on a la vie sauve… Dieu merci, après tout cela, nous avons réalisé de nouveaux investissements, qui nous ont permis de repartir avec un hôtel nickel après décembre 2011.

Comment votre établissement a-t-il pu tenir ?

Nous n’avons jamais fermé, et nous sommes toujours adaptés aux problèmes du moment. L'ambassade et l’armée françaises, qui sont à côté, nous ont toujours soutenus. Les Nations unies étaient présentes aussi. Nous avons pu tenir grâce à ces soutiens. Nous n’étions pas seuls, et avons aussi rempli un rôle de rassembleur. En janvier 2003, après les accords, le Rassemblement des républicains (RDR) logeait au Tiama, le Parti démocratique de Côte d'Ivoire (PDCI) au Golf Hôtel, et d’autres partis dans d’autres établissements. Le ministre français Jean-Yves Le Drian nous a d’ailleurs adressé une belle lettre de remerciements en 2017, lors du sommet Union africaine-Union européenne.

Vous avez plus récemment souffert de la crise du Covid-19.

Oui. Toute l’année 2020 a été catastrophique. Avec des chutes de chiffre d’affaires importantes. Il a fallu baisser les charges, s’adapter à l’environnement. Heureusement, nous avons des partenaires qui sont un peu comme nos frères, que ce soit le gouvernement, la direction des impôts ou la Compagnie ivoirienne d'électricité (CIE)… Et je tiens à remercier le président de la République, Alassane Dramane Ouattara, car il a nommé des gens sincères et compétents.

Parlons de la destination Côte d'Ivoire. Quel est votre avis sur son attractivité ? Et sur les améliorations nécessaires ?

La Côte d’Ivoire a un énorme potentiel. C’est un très beau pays, avec un peuple hospitalier, réceptif, sans a priori. C’est lui notre plus grande richesse. Pour le tourisme, nous sommes prêts à tout offrir pour les gens du monde entier. Mais il reste un souci : l’aéroport est grand, mais pas assez. Quand j’étais enfant, il y avait beaucoup plus de compagnies abordables qui passaient par Abidjan, avec des vols espagnols, italiens, français, anglais, américains… Certes, nous ne vivons plus dans le même environnement, mais je pense qu’il faudrait en attirer davantage. Peut-être en baissant les taxes, qui restent onéreuses. Avant, on pouvait faire le tour du pays en voiture, il y avait des hôtels partout. Aujourd’hui, c’est fini. Il existe des infrastructures hôtelières, certes, mais elles ne se font pas connaître, et la plupart du temps ne sont pas au niveau. Le gouvernement doit communiquer encore davantage sur les richesses de la Côte d'Ivoire et ses attraits touristiques, les forces de chaque région, la culture, etc. Bouaké, Soubré, Odienné, Man, Korhogo… Chaque ville et ses environs ont leurs particularités. Ce travail de mise en valeur avait bien commencé sous Houphouët, mais depuis, sûrement à cause des crises répétitives, c’est difficile de maintenir le cap.

Le tourisme peut-il décoller davantage sur Abidjan ?

Bien sûr ! La lagune Ébrié peut générer des richesses extraordinaires. Elle doit être exploitée, avec des bateaux qui s’y déplacent. Et les alentours d’Abidjan, avec Assinie, GrandBassam, c’est magique. Il y a également une belle offre en matière de restaurants, bars, boîtes de nuit, endroits culturels… D’ailleurs, la fondation Atef Omaïs réalise des guides sur ce sujet depuis 2009. Mon père a créé l’hôtel avec l'un de mes oncles il y a cinquante ans, et la famille a lancé plus tard cette fondation, qui s’investit aussi dans les secteurs de l’éducation et de la santé.

Revenons au Tiama. Comment vivez-vous la concurrence ?

Notre hôtel est le seul certifié ISO 9001, un label de qualité qui n’existe dans aucun autre établissement à Abidjan. On ne se soucie donc pas beaucoup de la concurrence. Nous n'avons ni envie, ni regret, ni projet d'association. Nous allons de l’avant en essayant continuellement de nous améliorer. Nous sommes le seul 5 étoiles de la ville qui n’appartient pas à une chaîne. Vous venez au Tiama comme dans une famille. Nous connaissons la plupart de nos clients, et parfois, ils vont tenter l’aventure ailleurs, mais reviennent vite chez nous.

La construction de nouvelles enseignes haut de gamme devrait servir positivement le tourisme…

Si les nouvelles offres tiraient vers le haut, oui. Mais les prix sont plutôt tirés vers le bas. À Abidjan, les hôtels sont capables de diviser par trois leurs tarifs pour faire le plein. Ils font ce qu’ils veulent, mais quand vous vous trouvez dans un contexte de crise, ces pratiques n’encouragent pas les investissements ni une projection positive vers l’avenir. Et nous savons très bien que dans toute industrie, si vous n’investissez pas, vous n’avancez pas.

Justement, de votre côté, quels sont les projets d’avenir ?

Nous essayons de dynamiser l’hôtel, d’avoir des gens fidèles en semaine mais également le week-end. Avant le coup d’État de 1999, nos visiteurs rentraient dans leur pays le lundi matin. Il y avait des vols le matin, en journée, le soir. Ils passaient tout le week-end à Abidjan, donc nous proposions des déplacements à Grand-Bassam, etc. Aujourd’hui, les clients rentrent souvent plus tôt, pour passer le week-end chez eux. Mais nous n’avons pas de projet de doubler l’hôtel ou autre. En 2021, quand nous avons vu que les affaires reprenaient, nous avons pensé à réaliser 10 étages de chambres et 10 étages de bureaux. Mais bon, lorsque l’on veut s’agrandir, il faut s’entourer de compétences, et on ne peut pas tout le temps faire venir du personnel de l’étranger. Car voilà un autre frein au développement d’un grand tourisme à Abidjan : nos écoles hôtelières ne sont pas au top. Nous avons un immense besoin de formation. C’est pour cette raison que notre système qualité est très utile pour nous permettre de bien repérer les besoins aussi bien à l’intérieur de notre organisation qu’au niveau de la demande des clients. Nous avons récemment investi dans l’amélioration des réseaux wi-fi, des services informatiques, etc. Et nous allons rafraîchir notre bar situé au niveau de la mezzanine.