Souleymane Bachir Diagne
Philosophe
En ces temps hors normes, AM prend de vos nouvelles en 4 questions et une photo de votre choix.
Comment ça se passe pour vous à New York ?
Depuis le 8 juin dernier, les commerces, les cafés et les restaurants sont à nouveau ouverts et doivent observer des mesures de distanciation sociale. La contrainte immédiate, c'est la circulation très dense car les gens évitent les transports en commun, on passe d'une ville fantôme aux embouteillages. La mise à l'arrêt a été basée sur le volontariat, je l'ai suivie avec rigueur depuis mon retour de Dakar en mars, où je comptais rester plus longtemps étant en année sabbatique. Les New-Yorkais ont respecté les mesures de confinement avec discipline : on est passé de 800 cas par jour à 250. L'assassinat de Georges Floyd a profondément marqué cette période, deux nuits de couvre-feu ont suivi, les autorités nous ont informés sur nos portables en lançant l'alerte à 23 heures. L'inculpation des quatre policiers a calmé les émeutes et marqué la fin des manifestations. Grâce à la vidéo d'une jeune fille de 17 ans, l'indignation a fait le tour le monde : c'est un message d'espoir, les mouvements de protestation rassemblaient des Noirs et des Blancs, largement majoritaires. Les forces de l'ordre n'ont pas fait bloc, il reste à espérer qu'elles prennent conscience de leur devoir à servir et protéger les citoyens aux États-Unis comme en France. Car la culture du racisme structurel s'y est développée, considérant qu'il avait des citoyens de seconde zone.
Qu'est-ce que vous faites aujourd'hui que vous n'aviez pas le temps de faire avant ?
J'en ai profité pour avancer sur mes travaux de recherche, l'écriture d'articles pour lesquels je suis souvent en retard. Le temps du confinement est anxiogène car il s'associe à l'anxiété et au danger permanent alors que le temps de la réflexion philosophique est joyeux, aussi, je n'ai pas pu optimiser ce moment au maximum. Mais il a été propice à la méditation puisque c'était le ramadan qui favorise l'introspection, j'ai eu le sentiment de vivre une spiritualité plus intense par le fait d'être dans un retrait forcé.
Un conseil pour les lecteurs ?
Nous devons être sensibles à l'exigence de justice sociale qui nous est clairement apparue durant cette pandémie et en tirer des leçons : nous sommes un seul village, un seul pays. Le virus a révélé son absence de frontières. Nous devons apprendre à penser de façon commune et solidaire. Les inégalités sociales se sont accrues, ce sont les plus pauvres, les personnes de couleur, fragilisés et précaires qui ont été les plus touchées. Fort heureusement, en Afrique l'hécatombe annoncée ne s'est pas produite mais il faut renforcer le secteur de la santé, l'humain est la finalité du développement économique. Les inégalités et la division avec l'assassinat de George Floyd ont marqué cette période et nous devons les corriger.
Un message à faire passer ?
Ne pas oublier les leçons, ce que nous vivons lorsque nous serons dans l'après Covid-19. Nous ne comprendrons cela qu'après l'avoir vécu. Le plus important à retenir est la fraternité au sein de la société pour l'avenir. Porter un masque c'est protéger autrui de soi-même.