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Interview

Yvette Akoua
« Nous avons l’âge de la maturité»

Par Emmanuelle Pontié - Publié en mars 2023
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CONNEXION PHOTOGRAPHY/STUDIO PHOTOGRAPHE ABIDJAN
CONNEXION PHOTOGRAPHY/STUDIO PHOTOGRAPHE ABIDJAN

Le groupe NSIA est présent dans 12 pays d’Afrique de l’Ouest et centrale. La directrice générale de sa branche assurances fait un état des lieux de ses activités dans un secteur en pleine croissance.

Ensuite : Comment se porte globalement le marché de l’assurance en Côte d’Ivoire ?

Yvette Akoua : J’observe avec satisfaction une embellie du secteur, très structurant dans l’économie d’un pays. En Côte d’Ivoire, le marché évolue bien. Cependant, le taux de pénétration est relativement faible (autour de 1,3 %). En 2021, le marché a clôturé à 441 milliards de francs CFA ; une hausse de 6,39 % comparativement à 2020. Au troisième trimestre 2022, il a réalisé un chiffre d’affaires de 411 milliards de francs CFA, pour une hausse estimée à 13,68 %. Il a été porté cette année par l’assurance non-vie qui, déjà fin septembre, réalisait une croissance de 18,65 % du chiffre d’affaires. Par ailleurs, le marché de l’assurance a entamé une profonde mutation, avec une orientation digitale. L’Association des sociétés d’assurances de Côte d’Ivoire a lancé, le 1er janvier 2023, l’attestation d’assurance automobile complètement digitalisée.

Le groupe ivoirien NSIA affiche un chiffre d’affaires de 300 milliards de francs CFA par an. Quelle est la part du domaine des assurances ?

Le groupe exerce principalement dans deux métiers, qui sont la banque et l’assurance. Il a opéré avec succès la diversification de ses activités avec le rachat, en 2006, de la BIAO, puis l’acquisition, en 2017, de Diamond Bank UEMOA (Bénin, Côte d’Ivoire, Sénégal, Togo). Au titre de l’exercice 2020, on peut noter de bonnes performances financières : les primes s’établissent à 159,5 milliards de francs CFA, contre 147,3 milliards de francs CFA l’année précédente. Cette hausse se traduit par les bonnes performances réalisées sur les branches vie et nonvie en Côte d’Ivoire, au Nigeria, au Bénin, au Congo et au Cameroun. Soit une hausse nette globale de 8 % (+12,2 milliards de francs CFA). Le produit net bancaire consolidé au 31 décembre 2020, quant à lui, s’établit à 74 milliards de francs CFA, contre 67 milliards de francs CFA en 2019. Cette hausse de près de 11 % est portée par l’accroissement des revenus de l’activité titres (+7 milliards de francs CFA), la hausse des produits au crédit-bail et la baisse du coût des ressources, principalement du refinancement.

Quelles sont les particularités du marché ivoirien ? Les produits qui marchent, et ceux qui ont de la peine à convaincre ?

Ce marché est une mine d’opportunités, aussi bien pour les produits vie que pour les non-vie. Il est très dynamique, comme en témoignent la croissance continue du chiffre d’affaires et l’arrivée de nouvelles compagnies. En matière de performances, bien entendu, les produits vie sont les plus vendus, parce qu’ils sont pour la plupart fondés sur le modèle des produits de capitalisation, et donc proposent le règlement des primes de façon échelonnée. Du côté des produits non-vie, il n’est pas très juste de dire qu’ils peinent à sortir la tête de l’eau, comme on l'entend souvent. Et j’en veux pour preuve leur constante progression, représentative, depuis quelques années déjà, avec les assurances automobile, accidents et santé, qui occupent des parts de marché substantielles.

Comment vivez-vous la concurrence ?

Elle est très rude. Nous assistons à l’éclosion des compagnies d’assurances africaines. Cette dynamique amène notre groupe à se réinventer en permanence, à proposer sans cesse de nouveaux services de qualité. Par ailleurs, nos produits, en constante évolution, respectent les standards qualitatifs internationaux en vigueur, tout en ayant pour objectif premier la satisfaction de nos clients.

Vous avez signé cette année des accords en matière de santé avec la clinique turque Anadolu. Ou encore des conventions d’assurance de responsabilité scolaire. Pourquoi de tels partenariats ?

Cette diversité de partenariats répond à notre mission d’offrir au plus grand nombre des solutions compétitives et innovantes. Nous plaçons nos clients au centre de nos préoccupations et apportons des réponses adéquates aux besoins vitaux de chacune des étapes de leur vie, du plus jeune âge à l’âge adulte. Nous développons des offres adaptées tant aux particuliers qu’aux professionnels. Nos partenariats visent à offrir à nos populations le meilleur des services d’assurance à moindre coût pour contribuer à l’épanouissement de nos collectivités. Nous ne perdons pas de vue qu’en notre qualité de groupe financier africain responsable, nous avons le devoir de participer au développement économique et social de notre pays.

Le groupe fêtera ses 30 ans en 2025.

Quels sont les projets de NSIA Assurances à court et moyen terme ?

Effectivement, l’aventure a débuté en 1995 avec la création d’une compagnie d’assurance dommages, la NSIA Assurances Côte d’Ivoire, que je dirige depuis quelques années. Mais très rapidement, en 1996, NSIA a réalisé ses premières acquisitions en rachetant les filiales vie et non-vie des Assurances générales de France (AGF), en Côte d’Ivoire (AGCI Vie et AGCI IARD). Dès lors, progressivement, le groupe NSIA s'est construit. Il est aujourd’hui présent dans 12 pays de l’Afrique centrale et occidentale, en zones francophone, anglophone et lusophone. Nous pouvons nous féliciter d’être leader sur le marché de l’assurance en Afrique de l’Ouest et centrale, avec une présence systématique dans le top 5 de nos activités par pays (classement Fanaf 2019). Nous pouvons considérer que nous avons l’âge de la maturité. Le groupe continue d’afficher sa solidité financière et sa volonté de grandir, avec le récent rachat, que vous avez pu observer, de quelques filiales d’assurances du groupe Sanlam.Notre objectif est de consolider nos acquis et de nous enraciner davantage dans la voie de la performance et de la productivité. Notre plan stratégique ambitieux intègre également la digitalisation de nos procès, pour faciliter l’expérience client. Notre portefeuille produits sera aussi élargi au digital, et nous nous attelons à saisir les opportunités d’affaires dans le domaine de la bancassurance, projet cher au président du groupe, Jean Kacou Diagou. Nous ne manquons pas non plus d’affirmer notre responsabilité sociétale d’entreprise par le moyen de la Fondation NSIA, qui a été aux côtés des populations lors des différentes crises que nous avons traversées, notamment celle du Covid-19, et nous continuons de soutenir l’éducation dans nos différents pays d’implantation. Sur le long terme, le groupe entend jouer un rôle majeur dans le développement des économies africaines en apportant des réponses durables aux enjeux socio-économiques, et en mobilisant collectivement les ressources nécessaires pour contribuer au financement de nos économies locales.

Pour finir, une question plus personnelle : pouvez-vous nous dire quels sont les avantages et les inconvénients d’être une femme à un tel poste et d’évoluer dans un monde plutôt masculin ?

Les qualités attendues d’un directeur général sont principalement d’avoir une vision, de développer une bonne stratégie, un management qui entraîne les équipes à s’orienter sur les clients et les résultats… Autant de choses dont les femmes sont capables, aussi bien que les hommes. Pour moi, il n’y a pas de différence entre un dirigeant et une dirigeante. En revanche, les femmes ont des qualités complémentaires, à savoir la sagesse, l’écoute, la rigueur, le management consensuel, la patience, etc. En entreprise, elles doivent fournir deux fois plus d’efforts afin que leur travail soit reconnu à sa juste valeur. Elles doivent aussi faire face aux exigences sociales de la communauté, à savoir la gestion du ménage, qui leur échoie entièrement (s’occuper des enfants, de la maisonnée, etc.). Ces charges qui n'incombent souvent pas aux hommes [sourire] les obligent à faire preuve de beaucoup plus de résilience et à veiller au bon équilibre entre leur vie professionnelle et leur vie familiale. En ce qui me concerne, je ne me vois pas comme une femme qui occupe ce poste, car être un bon manager ne dépend pas de notre sexe. Il s’agit plutôt de réaliser le meilleur exercice de l’équité du genre dans l’entreprise, et je vous donne rendez-vous en 2023 pour vous présenter la validation de notre certification « genre » à NSIA Assurances Côte d’Ivoire.