Aller au contenu principal

L'AFRIQUE EST-ELLE EN TRAIN DE DÉCOLLER ?

Par Dov.ZERAH - Publié en mai 2013
Share

LE CONTINENT, qui représente 15 % de la population mondiale mais abrite plus du quart des pauvres de la planète, semble avoir enclenché une nouvelle dynamique. Entre 2001 et 2011, la croissance s’est élevée à 5,7 % en moyenne, le double de ce qu’elle était dans les années 1980 et 1990. Elle s’est accompagnée d’une amélioration des fondamentaux macroéconomiques : maîtrise de l’inflation, assainissement des finances publiques, résorption de la dette extérieure...

Le continent a été relativement épargné par la crise économique et a rapidement rebondi. Cette croissance a permis de faire reculer la pauvreté. Désormais, moins de la moitié de la population vit avec moins de 1 euro par jour. Cette proportion demeure très élevée, mais elle est inférieure de 10 % à il y a quinze ans ! L’Afrique est-elle pour autant entrée dans une période durable de développement?

La croissance demeure fragile. La pression démographique érode les gains réels en termes de richesse par habitant : d’ici à 2050, la population va doubler pour atteindre 2 milliards, tandis que la population urbaine va tripler, à 1,2 milliard. Cette « bombe démographique » met sous pression l’ensemble des systèmes économiques africains et renforce la fragilité d’un continent déjà vulnérable aux chocs alimentaires.

La croissance est inégalement répartie sur le continent. Seuls quelques pays apparaissent aujourd’hui comme réellement préémergents : l’Afrique du Sud, le Nigeria, le Ghana ou le Kenya. Pour les autres, notamment en Afrique de l’Ouest, le chemin est encore long.

Les sols et sous-sols attisent depuis quelques années les convoitises des grands émergents. Ces pays constituent pour le continent de nouvelles opportunités. Cependant, la focalisation de leur intérêt sur les matières premières renforce la dépendance de l’Afrique à ses ressources naturelles – dépendance dont elle doit absolument sortir. C’est un élément trop souvent passé sous silence : la structure de la croissance africaine invite à la plus grande prudence. L’accélération économique apparente est très fortement liée à la hausse du prix des matières premières. Il s’agit là d’une source de fragilité majeure.

Un véritable secteur productif est indispensable au décollage économique de l’Afrique. Lui seul sera à même de créer suffisamment d’emplois pour accueillir les 12 à 15 millions de jeunes qui arriveront chaque année sur le marché du travail. C’est crucial, car le double phénomène de l’urbanisation et d’une jeunesse délaissée constitue un potentiel de violence, voire de déstabilisation.

L’agriculture et les agro-industries constituent un creuset considérable d’emplois, à condition de développer les infrastructures d’énergie et de transport. Il faut maîtriser la démographie en améliorant les systèmes de santé et d’éducation, accroître l’employabilité des jeunes grâce à la formation professionnelle et renforcer la gouvernance, notamment dans la lutte contre la corruption. C’est à ces conditions que l’Afrique pourra définitivement écarter le risque de marginalisation.

Par DOV ZERAH 58 ans, directeur général de l’Agence française de développement (AFD). L’Afrique est le principal récipiendaire des financements de l’AFD : 2,1 milliards d’euros en 2012.