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L'extinction des dictatures

Par zlimam - Publié en novembre 2011
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Les images, terribles, resteront imprimées dans nos mémoires. La fin de Mouammar Kaddafi, moment majeur d’histoire sanglante… D’abord par cette mise à mort sauvage du dictateur, massacré par une foule de miliciens hors de contrôle. Et puis ce corps qui baigne dans son sang, jeté misérablement dans un frigo à viande, avec la foule qui passe, presque guillerette. On se dit que toute la gloire, toute la puissance, tout l’argent du monde ne servent à rien dans ce moment final, fulgurant, où le maître détesté finit dans une bouche d’égoût… On pense à Silvio Berlusconi, un vieil ami du « Guide », commentant, philosophe, en guise d’épitaphe : « Sic transit gloria mundi », « Ainsi va la gloire du monde. » On repense au maître de Tripoli reçu avec égard par les grands, prêts, eux, à toutes les compromissions et humiliations pétrolières, et qui aujourd’hui nous tiennent sans vergogne le langage de la vertu. On pense aux Américains qui, dit-on, n’oublient jamais un seul de leur ennemi et qui, un jour ou l’autre, finissent toujours par exercer leur vengeance. On pense à la Grande- Bretagne et à la France, nations que l’on disait de second rang, pourtant capables de mener une guerre de sept mois à la frontière sud de l’Europe. On pense au Qatar, étrange et mystérieux émirat, supposé être le modèle d’une nouvelle modernité arabe, devenu la plaque tournante des mouvements révolutionnaires et le protecteur de l’islamisme bon teint. On pense aussi à cette nouvelle doctrine de l’Otan qui permet à l’Occident d’aller faire la guerre bien au-delà de ses mandats et de ses « frontières ». Au nom évidemment des droits de l’homme. On comprend le malaise. Car ces doctrines sont souvent à géométrie variable. Elles permettent de bien choisir ses « ennemis » et de protéger ses « amis ». On se dit qu’il n’y aura pas de procès de Kaddafi, que l’on aurait pourtant tellement aimé entendre sur ses relations au monde, à l’Occident, sur les contrats, sur l’argent… On pense à la destruction massive de la Libye. Aux exécutions. À la chasse aux Africains, à l’épuration… On pense à ce qui semble être une impossible reconstruction des coeurs, des âmes et de la nation. On se dit que cette violence n’augure rien de bon dans un pays dorénavant surarmé, où les haines anciennes se sont cristallisées dans le combat d’aujourd’hui, où l’argent de l’or noir paraît un motif inépuisable de rivalités. Tout cela étant dit, justement, le premier responsable de ce désastre reste Kaddafi lui-même. Kaddafi, roi du monde et du pétrole, finalement manipulé et abattu par ses amis occidentaux à la mémoire d’éléphant. Comment justifier quarante-deux ans de dictature ? de longévité et de pouvoir absolu ? Quels qu’aient pu être les quelques avantages du régime du « Guide », comment justifier une telle poigne de fer, un tel niveau de corruption et de violence, un tel étouffement de la société ? Comment justifier le recours au terrorisme d’État ? Pourquoi ne pas avoir fui quand la partie était perdue ? Aujourd’hui, cet homme si puissant, si fort, cette grande gueule mégalomane, est enterré dans le désert. Laissant un pays en ruine derrière lui. La leçon est claire. Dans le monde d’aujourd’hui, pour de bonnes et de mauvaises raisons, la dictature ne paie pas. Et elle finit mal en général. Dans ce grand Sud en voie de démocratisation, les peuples ont changé. Ils ne veulent plus de chef incontesté et incontestable. Ce qui compte, c’est le réalisme, la probité, la capacité à se mettre au service de la nation, l’humilité, la soumission aux lois de l’alternance. Dans ce monde en pleine révolution, les dictateurs, les deus ex machina inamovibles sont une espèce en voie de disparition… .

Par Zyad LIMAM