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L'ivoirité, la vraie, c'est la diversité

Par zlimam - Publié en avril 2011
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La Côte d’Ivoire est en crise depuis Noël 1999. Plus de onze ans… Le pays supposé phare de l’Afrique de l’Ouest a sombré dans la division, la crise, les égoïsmes, la violence plus ou moins endémique. Il n’y a plus d’institutions représentatives, de justice, de protection des droits, il n’y a plus d’État à proprement parler. Un président mal élu (en 2000), sans mandat depuis 2005, perd un scrutin de sortie de crise relativement transparent. Et s’accroche contre vents et marées… On pourrait parler aussi d’une économie passée par pertes et profits, du retour de la pauvreté
de masse, de la fragilisation de toute la région. Et pendant qu’une nation se meurt, des intellectuels,
certainement bien intentionnés, nous parlent d’authenticité, d’africanité. Franchement…
La Côte d’Ivoire a besoin d’un changement profond. D’une rupture. De passer à autre chose. D’entrer dans un début de modernité. Quoi que l’on pense, chacun, de Laurent Gbabgo, cet homme-là est incapable d’incarner un renouveau. Isolé du monde entier. Condamné par la communauté internationale.

Replié sur son camp. Il est là depuis plus de dix ans et il n’a jamais, finalement, tendu la main à l’adversaire, à « l’autre ». Il aurait pu être un rassembleur et entrer dans l’Histoire. Il n’aura été que l’homme d’un clan, cramponné, lui et les siens, au fauteuil.

Incapable d’être un homme du siècle, se rattachant, au contraire, à la conception préhistorique d’un pouvoir qui ne se donne pas et qu’il faut venir lui prendre… « J’y suis, j’y reste. » On sait qu’ADO n’est pas un personnage essentiellement nouveau (il était Premier ministre d’Houphouët au début des années 1990). Passons sur ses qualités d’homme d’État et d’expérience, qu’il lui faudra confirmer le jour où il prendra son fauteuil de président.

Et revenons sur ce qui fâche. L’identité, l’origine, sa nature. On se doute qu’il polarise une partie de l’opinion ivoirienne (et africaine). On se doute que sa « mixité » pose problème dans une nation (et un continent) fortement travaillée par les questions identitaires et, pour dire le mot juste, ethniques. Mais c’est justement parce qu’ADO est un personnage « mixte » qu’il a une chance de réconcilier les Ivoiriens. C’est un Africain authentique.

Mais il est aussi à l’aise dansle monde global, dans celui des « Blancs », duquel la Côte d’Ivoire (et l’Afrique) ne peut s’extraire. C’est un homme du « Nord », qui connaît parfaitement les réalités du « Sud ». Il s’est allié, malgré tout, malgré l’« ivoirité », avec les barons baoulés. Il n’a jamais totalement rompu les liens avec certains « proches de Laurent ». Son histoire est liée à l’immigration immémoriale qui a façonné la Côte d’Ivoire, du Nord, du Sud, du Centre, de l’Ouest… Alassane est à l’image de son pays. Il symbolise cette diversité, cette multitude,
cette hétérogénéité de la nation ivoirienne du XXIe siècle. Par sa fibre, il sera sensible aux équilibres.

Une dernière chose, essentielle. Jamais, finalement, tout au long de ces années tragiques, la Côte d’Ivoire n’aura sombré dans une véritable guerre ethnique, civile. Dans chaque parti, dans chaque camp, il y a des hommes et des femmes venus de partout. Jamais les Ivoiriens ne se seront définitivement retournés les uns contre les autres. Jamais ils n’auront franchi le seuil de l’indicible. Parce que, au fond, ils savent qu’ils ne font qu’un. Ils savent que l’ivoirité, la vraie, c’est la diversité.

JAMAIS, FINALEMENT, TOUT AU LONG DE CES ANNÉES TRAGIQUES, LA CÔTE D’IVOIRE N’AURA SOMBRÉ DANS UNE VÉRITABLE GUERRE ETHNIQUE, CIVILE.

Par Zyad Limam