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Oui ou Non?

Par empontie - Publié en juin 2012
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Bonne chance à tous ceux qui veulent faire du business en Afrique et qui pensent être en terre occidentale, avec les mêmes codes et le même langage ! Quand vous proposez une affaire à un Américain ou à un Allemand, il dira oui si ça l’intéresse, non s’il n’est pas prêt. En Afrique, il existe une étonnante curiosité culturelle : le oui qui veut dire non. Et précisons tout de suite qu’il faut une sacrée expérience du continent pour ne pas se faire avoir entre le vrai oui et le faux oui. Un cas classique : « Bonjour monsieur, êtes-vous d’accord pour faire ceci ? » Réponse immédiate : « Bien sûr ! Ça m’intéresse, on va le faire. » Et là, on y croit. Puis le temps passe, la personne vous a rassuré une bonne dizaine de fois, décontractée, jurant mordicus qu’il n’y a pas de souci, s’étonnant même de votre inquiétude à constater que concrètement rien ne bouge, que le document attendu n’arrive pas, etc. Et, bien sûr, vous apprenez, une fois le délai passé, qu’absolument rien n’avait été engagé et que pas une seconde votre interlocuteur ne comptait conclure l’affaire ou, pire, qu’il n’avait pas le pouvoir de le faire.

Le pompon, c’est le type (véridique) qui continue à négocier avec vous au téléphone alors qu’il ne fait plus partie de la société. Pour rien, comme ça, juste pour se donner de l’importance ou par lâcheté, par manque de courage d’avouer qu’on est tricard. Les rares qui disent non, ce sont les représentants de boîtes étrangères, européennes ou américaines, en Afrique, qui se sont imprégnés de la culture patronale, plus carrée et, finalement, en la matière, plus efficace. On ne comprend pas bien cette incapacité à dire non tout simplement. Comme si le non était synonyme de renoncement, de fin, de mort, dirait un psy. Dire oui, c’est garder espoir, entretenir un lien avec l’interlocuteur, laisser une porte ouverte sur demain et une autre affaire, on ne sait jamais.

Il paraît que c’est pareil dans les couples. Un type ne se sépare jamais vraiment d’une femme. Il la garde au chaud, même s’il ne l’aime plus. Et continue à l’appeler de temps en temps, juste pour se rassurer, constater qu’elle est toujours disponible. C’est pourquoi, finalement, il ne s’agit pas vraiment d’une incapacité africaine à dire non, mais plutôt d’une volonté motivée de dire oui pour rester dans le jeu, se donner l’illusion que l’on est capable de gérer. Précisons juste ici que c’est particulièrement insupportable quand même pour un Occidental, tellement plus habitué aux choses claires pour avancer en business. Et c’est peut-être pour ça que les Chinois ont pris le dessus en Afrique, car ils ont aussi la réputation de dire un oui pour un non, voire un non pour un oui. Sauf qu’ils savent aussi dire oui quand c’est important, et piquer un marché en deux temps trois mouvements. Ce qui, à ma connaissance, n’est pas encore l’apanage des Africains...

Par Emmanuelle Pontié