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SOUMEYLOU BOUBÈYE MAÏGA<br>EX-MINISTRE DE LA DÉFENSE DU MALI

« REDÉFINIR LE RÔLE DES UNS ET DES AUTRES »

Par Aurélie Dupin - Publié en juillet 2016
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Ce journaliste de formation, qui a milité des années au sein du Parti malien du travail, a occupé différentes fonctions au sein du gouvernement depuis plus vingt ans.

Comme nombre d’experts, l’ancien ministre met l’accent sur un certain de nombre de faiblesses dans les dispositifs de sécurité actuels, mais sans désigner de responsables. Il en appelle aussi au concours de la population et à la nécessité d’adapter les renseignements aux menaces nouvelles. 
 
AM : Avec deux attentats en 2015, le terrorisme est devenu une réalité également à Bamako. Quelles mesures ont été prises contre cette menace et sont-elles efficaces ?
Soumeylou Boubeye Maïga : Les attentats qui ont eu lieu à Bamako, comme ceux qui ont eu lieu à Ouagadougou et à Grand-Bassam, ont révélé des faiblesses, notamment en matière d’identification, de contrôles d’accès et d’anticipation. On a essayé de corriger un certain nombre de défaillances, en essayant par exemple de multiplier les contrôles, mais nous avons des effectifs assez faibles. Des mesures ont été prises, comme l’application de l’état d’urgence. Pour que les actions soient efficaces, il faut qu’elles puissent bénéficier du concours de la population mais aussi des entités privées en charge de la surveillance des bâtiments publics ou privés. Il faut aller aussi vers une réforme dans l’organisation du renseignement.
 
Diriez-vous que ce dernier fonctionne au Mali ?
Tous les appareils de renseignement sont confrontés au fait que nous ne subissons pas une menace conventionnelle. C’est une menace polymorphe et nous sommes obligés de revoir la collecte du renseignement et son traitement. Il faut coordonner les différents appareils en synergie.
 
Les lieux stratégiques comme l’aéroport sont-ils sécurisés ?
On peut difficilement avoir une sécurité à 100 % dans les espaces publics. Des zones peuvent échapper à la surveillance.
 
Les grands hôtels se sont barricadés. Néanmoins, après l’attaque en mars de l’hôtel Azalaï Nord Sud, qui est un véritable bunker occupé par des militaires européens, on peut se demander si ces mesures sont suffisantes…
On a à faire à des gens qui n’ont pas peur de mourir. Dans leur conception, ils sont d’autant plus assurés d’aller au paradis qu’ils s’attaquent à des cibles importantes. C’était suicidaire de s’attaquer à cet hôtel ! Cela donne la mesure de la folie à laquelle on est confrontés. Ces mesures ne peuvent pas être une garantie à 100 %, mais l’important pour nous, c’est d’avoir la capacité de faire face. Cela suppose que chaque État se dote d’un plan de lutte antiterroriste institutionnel, où les rôles des uns et des autres sont clairement définis.
 
Les forces de sécurité maliennes sont-elles en mesure de lutter contre le terrorisme ?
Elles se préparent ! Elles sont obligées de s’adapter. Cette lutte impose des capacités logistiques, opérationnelles, en matière de renseignement aussi. C’est nouveau pour les forces conventionnelles. Donc elles essaient de se reformater.
 
La menace terroriste s’est étendue à la sous-région. Pensezvous que d’autres actions soient à craindre ?
Malheureusement, oui ! Ces groupes essaient d’atteindre leurs adversaires là où ils sont le moins bien protégés.
 
Ces actions pourraient être conçues avec le Mali comme base arrière ? Le président nigérien qualifiait récemment le Mali comme le noeud du problème…
Les groupes terroristes internationaux s’appuient beaucoup sur des acteurs endogènes. Des éléments nationaux sont toujours partie prenante dans ces mouvements-là.
 
Mais le Mali demeure-t-il une sorte de maillon faible ?
Non. Mais historiquement, nous avons été la porte d’entrée des groupes venus d’Afrique du Nord, puis le chaos libyen a eu un effet amplificateur. Et de chez nous, les groupes terroristes on essaimé ailleurs.