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Un monde à inventer

Par zlimam - Publié en février 2011
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À MOYEN TERME, le krach d’octobre 2008 en cache certainement d’autres : explosion des dettes publiques, sous-capitalisation des entreprises, explosion possible de la bulle chinoise, protectionnisme, hyperinflation, déflation, stagflation, désordre monétaire, croissance folle et rechute folle, tout est possible dans les mois et les années à venir…
À plus long terme, on sent que le système est touché dans ses fondements. Nous sommes embarqués dans une de ces grandes révolutions de l’Histoire, une de ces secousses telluriques, qui bouleversent l’ordre humain. La crise du capitalisme moderne, ou plutôt sa mutation, ne fait que commencer. La globalisation favorise l’émergence d’une « économie immatérielle » spéculative, financière, cybernétique, sans salariés et sans usines… Une « économie immatérielle » qui délaisse les entreprises, le dur, le concret, qui favorise le chômage. Une économie quasi intenable sur le plan social. Les « travailleurs » subissent de plein fouet la « modernisation ». L’économie sociale, l’État providence, laissent la place à un hypercapitalisme qui ne profite qu’à quelques privilégiés. Depuis vingt ans, les inégalités explosent. Aussi bien dans les pays riches, où une super caste accumule les milliards sans les responsabilités équivalentes, on l’a vu lors de la crise d’octobre dernier. Mais aussi entre les nations riches et le monde pauvre.
Qui peut penser qu’une planète peuplée de quatre ou cinq milliards de démunis pourra longtemps échapper à ce qu’on appellera peut-être des jacqueries transfrontalières ?
L’économie globale du « jetable », du « consommable » ne résistera pas, paradoxalement, à l’entrée sur le marché d’un milliard de nouveaux riches chinois, indiens, indonésiens… La demande des produits de base va exploser. Il n’y aura pas assez de bois, ni de blé pour tout le monde. Le prix des produits alimentaires va flamber. L’eau va se faire très rare. Les minerais aussi. L’énergie aussi. Il n’y aura pas assez de pétrole pour couvrir la consommation. Et un jour assez proche, il n’y aura plus de pétrole du tout… Juste pour vous faire une idée : l’Inde et la Chine consomment déjà plus de la moitié du charbon, de l’acier et du fer de la planète.
Pendant ce temps, l’écosystème continue de se dégrader rapidement. Les températures augmentent, les déserts avancent, les océans se meurent. Le capitalisme global, la croissance, la mondialisation, le profit se heurtent aux limites physiques de notre environnement. Et comme le soulignent les historiens, ce ne sera pas la première fois qu’une civilisation disparaît pour avoir épuisé et bouleversé son cadre naturel. Sans parler de l’explosion des risques transnationaux induits par la globalisation, comme les nouvelles pandémies virales, d’autant plus probables qu’on laisse s’étendre une pauvreté de masse générale…
L’idée n’est pas de se résigner au désastre. L’humanité a déjà prouvé sa capacité d’adaptation et de mutation. Mais l’avenir radieux de la mondialisation éternelle est un leurre. L’ère industrielle, inaugurée à la fin du XVIIIe siècle, se meurt. La technologie transforme. L’ordre géostratégique de la planète change. La nature impose ses limites. Quelque chose est en train de naître, une humanité fondamentalement différente qui va bouleverser nos vies. Nous avons un monde nouveau à inventer.
Un monde forcément plus solidaire, étape surprenante de cette globalisation que l’on croyait si individualiste…

Chronique [ L’air du Temps ] de Zyad Limam parue dans le numéro 290 (novembre 2009) d’Afrique magazine.