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VOL AU-DESSUS D'UN COCKTAIL

Par empontie - Publié en mars 2014
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ÇA FAIT LONGTEMPS qu’il fallait épingler ce tic nerveux des dames riches. Voyez plutôt. Kinshasa, 9h30. Salle du petit déjeuner de l’hôtel Memling, l’un des rares établissements luxueux de la ville, qui accueille des personnalités nanties. Une délégation de dames du cru, visage barré de lunettes noires à gros sigle doré sur les côtés, grand sac Vuitton au bras, s’installe. Elles ripaillent autour d’une table, redemandant au garçon du beurre et des omelettes. Au moment de partir, elles vont vers le buffet, ouvrent leurs sacs griffés, mettent proprement un papier plastifié au fond et renversent les corbeilles de viennoiseries à l’intérieur, rêvant certainement avec gloutonnerie à des agapes futures. Idem dans les buffets officiels, au Cameroun, au Gabon, au Congo. Si, si... Il est de bon ton d’embarquer tout ce que l’on peut porter, sans vergogne aucune : fleurs de centres de table, verres estampillés aux armoiries de l’État, serviettes, jusqu’aux bâtons de manioc ou aux quartiers de poulet. On soudoie avec autorité les pauvres serveurs, leur demandant de réserver des bouteilles de vin ou de champagne grand cru pour la sortie. Les organisateurs de buffets locaux connaissent le phénomène par cœur et sont intarissables sur le sujet. Il ne reste jamais un grain de riz ou une canette de coca à la fin des cérémonies. Et, paraît-il, plus les gens sont riches et bien en chair, proches des chefs ou de leur famille, plus ils se servent, rapinent, emportent, amassent, engloutissent. Y a un truc. C’est culturel? Bantu style? C’est une manière de faire honneur à l’invitation, de montrer que l’on a apprécié? Ou de la « féticherie », qui impliquerait que l’on veut ramener chez soi un trophée? Peut-être...

Pour les autres cultures et la plupart des observateurs, osons dire que c’est d’abord super mal élevé. Surtout lorsque c’est pratiqué de façon totalement ostentatoire par des gens qui n’ont aucun problème d’argent, bien au contraire! Les classes modestes n’agissent pas comme ça. Le phénomène n’existe pas en Afrique de l’Ouest. Et pas mal de ministres ou de DG en Afrique centrale sont eux-mêmes choqués par ce phénomène apparemment très « féminin » totalement anti-bonnes manières. Finalement, nous aussi. Car ce que l’on appelle la peur de manquer n’est jamais le signe d’une origine sociale très reluisante. L’éducation, que diable, et la bonne, y a que ça de vrai!

Par Emmanuelle PONTITÉ