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Une image, une histoire

15-18 août 1969
ROCK’N’LOVE À WOODSTOCK

Par Belkacem Bahlouli - Publié en août 2015
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DES MILLIERS DE TENTES, UNE COMMUNAUTÉ OÙ TOUT EST PARTAGÉ, la pluie incessante, la boue, les bouchons géants, les plus grandes stars du rock, 32 concerts, l’amour libre, la drogue, trois décès, deux naissances. Et, surtout, quelque 500 000 participants. Ce moment mythique restera comme le sommet de la vague de contestation sociale et paci?  ste qui a traversé les années 1960 aux États-Unis comme partout dans le monde.

TROIS JOURS DE PAIX, d’amour et de musique. Voilà le programme du Woodstock Music & Art Fair, cet immense happening qui s’est tenu en août 1969 dans le comté de Sullivan (État de New York), à 100 km du site initialement prévu, un hameau alors prisé par les artistes de l’époque, dont Bob Dylan. S’il ne fut pas le premier festival hors normes de l’histoire – Monterey, Newport, etc. –, il n’en reste pas moins le plus emblématique.

À l’origine du « plus grand concert de tous les temps », l’entrepreneur de spectacles Michael Lang. Il avait notamment à son actif le Miami Pop Festival et ses 100 000 participants en mai 1968. Mais ici, son objectif n’était pas d’organiser une manifestation de plus, mais de chercher des fonds pour ouvrir un studio d’enregistrement…

Avant même que le programme ne soit officialisé, 100 000 personnes s’offrent le « Pass » pour les trois jours à 18 dollars. Mais quarante-huit heures avant les festivités, 65 000 fans envahissent le site sans payer l’entrée. Michael Lang préférera laisser faire. L’événement est désormais gratuit et, au final, c’est un demi-million de jeunes qui assisteront à ce gigantesque show. Et ce qui s’annonce comme un fiasco financier deviendra rentable grâce à la sortie en 1970 d’un triple album live et du documentaire Woodstock de Michael Wadleigh.

À midi, le 14 août, les voies d’accès sont déjà saturées par un véritable fleuve de voitures. Les artistes ne pourront arriver sur scène que grâce à des hélicoptères… Nombreux sont ceux qui y brilleront, comme Santana, Richie Havens et surtout Jimi Hendrix, qui jouera à l’aube du 18 août. Devant les centaines de spectateurs restants, il se livrera à la déstructuration de l’hymne américain. Un véritable réquisitoire contre la guerre du Vietnam. Un moment culte qui fait écho aux chansons-slogans des Swinging Sixties balancées à l’énergie par les groupes anglais, tels les Rolling Stones (« Satisfaction ») ou les Who (« My Generation »).

Il est vrai que la décennie 1960 avait été marquée par les frustrations d’une génération qui prônait la fin du matérialisme et proclamait l’amour libre. Ce festival sera à la fois apothéose et chant du cygne de cette épopée hippie, mouvement sociétal né dans le quartier de Haight-Ashbury à San Francisco et sur le campus voisin de Berkeley. Sa « contre-culture » a annoncé Woodstock et son imagerie – le fameux « Summer of Love » dès 1967 –, et un bouillonnement culturel qui fera notamment éclore la « free press » – un journalisme alternatif incarné par Tom Wolfe, Jann S. Wenner ou Hunter S. Thompson. Sans oublier le psychédélisme né avec l’explosion de la consommation de LSD, dont l’écrivain Ken Kesey se fera le chantre.

Cette jeunesse qui voulait changer le monde sur le plan social mettra des années à inscrire sa vision dans la réalité. Et si le rock s’imposera comme la bande-son de la vie des baby-boomers, cette méga-manifestation demeurera le symbole le plus éclatant d’un temps où tout semblait possible.